Maurice Oudet – Un père blanc militant au Burkina Faso pour le véritable développement Parme: 20 mai 2007 – Maurice Oudet vit depuis quarante ans au Burkina Faso. C’est un Père Blanc du Cardinal Lavigerie, des Missionnaires d’Afrique. Il travaille avec les organisations paysannes et contribue a leur apporter l’information nécessaire pour mener leur combat. Il a été hôte de la journée de réflexion, promue par la revue des Missionnaires Xavérienrs « Missione Oggi » à Brescia sur le thème : Nourriture et Marché. Le P. Maurice interviendra aussi à Parme, ce jeudi prochain 24 mai dans l’Eglise Annuziata à 18h.30. Il est venu visiter ce dimanche notre maison mère, accompagné par le Directeur de la revue Missione Oggi le P. Nicola Colasuonno, et il a eu aussi l’amabilité de nous rencontrer et de faire avec lui un tour d’horizon sur les problématiques de l’alimentation en Afrique. Quels sont vos domaines d’ activité ? nous lui avons demandé. Et lui nous a répondu : » J’ ai lancé un service d’ édition en langue nationale qui se veut un outil au service de la promotion du monde rural au Burkina Faso. Dans ce service nous avons une revue trimestrielle en trois langues : français, more, dioula. Nous publions aussi des plaquettes d’information. Par exemple sur la politique agricole de la CEDEAO (Ecowap) en français simple. Ce travail m’amène a collaborer avec les organisations paysannes du Burkina. C’est ce qui m’a amène a m’intéresser au commerce international. La question du coton a l’ OMC, a été lance de cette manière dans un échange avec les organisations paysannes, de même pour la question du riz ou du lait. Ces problématiques touchent au domaine de la souveraineté alimentaire qui est notre cheval de bataille. » Les deux articles annexés nous décrivent le grand travail que le P. Maurice Oudet est en train de bâtir avec les paysans du Burkina.
Le Père Maurice Oudet, l’apôtre du développement durable
jeudi 29 avril 2004.
Il s’appelle Père Maurice OUDET. Il est à Koudougou depuis 1997, après avoir passé quatre ans à Boni dans la province du Tuy. De passage dans la capitale du Boulkiemdé, nous n’avons pas pu nous empêcher de lui rendre visite au siége du SEDELAN (Service d’Édition en Langue Nationale) qu’il dirige.Et nous n’avons pas eu tord. Car c’est un homme qui frappe par sa simplicité, son humilité et sa connaissance du monde rural que nous avons trouvé, et qui nous a entretenu pendant près d’une bonne heure, avant de nous faire visiter son site web.« C’est toujours très important de communiquer et de montrer un peu ce qui se passe de par le monde. Moi, ma sensibilité porte surtout sur le commerce international et l’agriculture », nous a-t-il confié d’entrée de jeu.
Et c’est vrai que pour un ’mordu’ d’agriculture, le Père OUDET en est un, pour avoir non seulement vécu pendant plusieurs années en milieu rural, mais aussi pour être l’initiateur de nombreuses publications en langues nationales et parmi lesquelles les revues « Têngembiiga », « Dugulem », « les Amis de la Terre », l’Almanach de « l’Assistance Ecologie » de Bobo Dioulasso, les « Cahiers Ruraux » du CESAO et de multiples fiches techniques sur le neem, le compost, etc. « Je me suis intéressé au combat pour le coton à partir d’un article de Jean Pierre BORIS animateur de « chronique des matières premières » sur RFI paru dans le journal ’l’Autre Afrique’. Là-bas, il a écrit en substance que le coton africain était condamné à mort par les subventions des USA à leurs producteurs de coton. C’était en octobre 2001. J’ai vécu 4 ans à Boni et j’ai vu ce que la culture du coton apporte au développement de cette localité, même s’il y a des problèmes environnementaux. Et comme les Etats-Unis ne parlent que de commerce mais pas d’aide, j’ai estimé alors que s’il y a commerce, celui-ci doit être juste et équitable », martèle-t-il avec un brin d’amertume.
Maurice OUDET est de ceux qui, avec François TRAORE le président de l’Union Nationale des Producteurs de Coton (UNPCB), ont aidé à faire entendre l’appel lancé par les producteurs de coton d’Afrique, en particulier ceux du Burkina, contre le système des subventions. Un appel repris avec force par des réseaux du nord, et amplifié par des réactions au sommet, notamment celles des ministères africains de l’agriculture et du Président Blaise COMPAORE à travers des rencontres à AbIdjan, Ouagadougou, Genève et Cancun.C’est vrai que pour l’instant les pays africains producteurs de coton n’ont pas eu gain de cause. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut baisser les bras.
« Ce qui est intéressant, c’est que les pays pauvres sont restés solidaires pour une des rares fois. Ils ont désormais envie de construire quelque chose autour du coton, de se défendre, car il s’agit de l’avenir de leurs populations. Et au niveau de l’agriculture, c’est du nouveau » nous a-t-il précisé. Maurice OUDET était attendu en juillet dernier à Bobo-Dioulasso dans le cadre de l’atelier international d’informations sur les O.G.M. N’ayant pas pu faire le déplacement parce que absent du Burkina à cette période, il avait néanmoins fait lire une communication sur le sujet, dans laquelle il suggérait un moratoire d’au moins cinq ans sur les organismes génétiquement modifiés, histoire de mieux cerner tous les contours !
Le Cotonnier Trimestriel d’informations de la SOFITEX – Visiter son site web : www.abcburkina.net
Le renard invite la poule à s’adapter au monde moderne !
Conte moderne du Burkina Faso :
Un de mes amis paysans dans le nord-ouest du pays, un ancien combattant, aimait bien, à la veillée, au clair de lune, raconter ce conte.
L’histoire se passe, disait-il, en France, en mai 1968. Il fait déjà nuit. La poule s’est barricadée dans son poulailler, quand le renard approche. Il s’arrête devant le grillage et ouvre sa radio. Le journaliste est en train de décrire la grève des étudiants et explique que partout sur les murs, il est écrit « Il est interdit d’interdire ! ». Le renard ferme son poste de radio et se tourne vers la poule.
« Tu as entendu ? Les temps ont changé ! Il est maintenant interdit d’interdire ! »
« Et alors, lui demande la poule, qu’est-ce que ça change pour nous ? »
« Cela veut dire que si tu veux être quelqu’un de moderne, dès demain matin, quand tu sors de ton poulailler, tu laisses la porte ouverte. Tu ne peux plus interdire à quelqu’un d’entrer chez toi ! » Là-dessus, il continue sa route.
Le lendemain matin, après une bonne nuit, la poule se réveille en pleine forme, et sort à la recherche de nourriture. Elle allait fermer la porte de son poulailler quand elle se rappelle ce que le renard lui a dit. Et elle laisse la porte ouverte, en se disant : « Bien sûr que je suis quelqu’un de moderne ! »
Le soir, elle rentre chez elle pour se reposer. Cette fois encore, elle allait fermer la porte. Mais elle se reprend. » Tu oublies que tu es moderne ! Laisse donc la porte ouverte. Il faut t’adapter au monde d’aujourd’hui. Sinon, le renard va venir se moquer de toi ! » Elle laisse donc la porte ouverte. Et bientôt, elle s’endort du sommeil du juste !
Peu de temps après, le renard approche du poulailler sans faire de bruit. Il se demandait : « Est-ce que la poule sera assez bête pour avoir laissé la porte ouverte? » Arrivé devant la porte, il ne tarde pas à voir qu’elle est grande ouverte ! Il n’a qu’un bond à faire pour saisir la poule et la dévorer !
Ce conte, me semble-t-il, illustre à merveille le discours que l’Europe tient aux pays africains, et comment elle conduit ces mêmes pays africains à signer des accords aux conséquences dramatiques pour les populations africaines.
J’ai assisté à Bruxelles à une rencontre entre la Commission européenne et les députés qui suivent les négociations en vue de la signature des APE. Le représentant de la Commission européenne expliquait qu’il n’y avait pas d’alternative au libéralisme actuel. Que l’Europe ne pouvait faire qu’une chose en faveur des pays ACP (d’Afrique – des Caraïbe et du Pacifique) : les aider à moderniser leurs économies et donc à ouvrir leurs frontières. Il a eu cette expression : « Le libéralisme, c’est la vie ! » En d’autres termes : « Soyez modernes ! Acceptez le libre-échange ! »
L’Europe persuade les pays africains que s’adapter au monde d’aujourd’hui, cela veut dire : « Laissez la porte ouverte ! Supprimez vos droits de douanes ! Acceptez le libre-échange pur et dur ! »
Si l’Europe était moins hypocrite et moins dure envers les pays de l’Afrique de l’Ouest, elle tiendrait un tout autre langage. Elle pourrait lui dire : « Vous voulez développer votre production laitière ? Commencez par taxer le lait en poudre à l’importation ! Regardez ce que nous faisons ! Notre filière lait est beaucoup plus développée que la vôtre. Ce n’est pas pour cela que nous avons cessé de la protéger ! Nous taxons le lait en poudre à l’importation à 75 %, alors que vous ne vous protéger qu’à 5 % ! » Et l’Europe aurait bien d’autres exemples à donner !
L’Europe pourrait dire aux pays africains : » Profitez de notre expérience. Quand nous négocions un accord de libre-échange avec d’autres pays, nous prenons bien garde de tout libéraliser. Nous proposons de libéraliser là où nous trouvons notre intérêt, mais nous refusons de libéraliser le commerce de nombreux produits, quand cela serait défavorable à nos producteurs. Vous devriez exclure de la libéralisation au moins autant de produits que nous dans nos accords de libre-échange avec le Chili (471 lignes tarifaires ont été exclues de toute réduction), avec le Mexique (631 lignes tarifaires ont été exclues de toute réduction) et avec l’Afrique du Sud (324). » Ces lignes tarifaires portent notamment sur les viandes, les produits laitiers, les céréales et les farines, le sucre, les préparations alimentaires.
Si l’Europe voulait vraiment construire un partenariat au lieu de renforcer sa domination sur l’Afrique, elle donnerait d’utiles conseils à l’Afrique de l’Ouest. Elle pourrait lui dire de faire comme elle, et donc d‘instaurer deux sortes de taxes à l’importation (les deux pouvant s’appliquer en même temps). Prenons un exemple. Pourquoi ne pas taxer le riz importé à 20 % au lieu des 10 % actuels, et ajouter une taxe forfaitaire par kilo, par exemple de 100 FCFA. C’est un procédé que l’Europe utilise fréquemment. Pourquoi pas l’Afrique de l’Ouest si elle veut développer son agriculture ? On pourrait aussi ajouter une taxe de 1000 FCFA par poulet importé. C’est un procédé courant dans d’autres pays. Et nous pourrions multiplier les exemples. C’est dire que le TEC (Tarif Extérieur Commun) est à reprendre dans son ensemble.
Mais l’Europe se comporte avec les pays africains comme le renard avec la poule de notre conte. Et hélas, les pays africains comme la poule avec le renard. Qui, quel évènement sera encore capable d’aider les uns et les autres à changer de comportement ?
Koudougou, le 6 mai 2007
Maurice Oudet
Président du SEDELAN
20 mai 2007
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