Par Le Potentiel
Le dossier « RCA » rebondit à la Cour pénale internationale. Le Procureur de la CPI a décidé d’ouvrir une enquête pour des crimes graves commis en 2002-2003 en République Centrafricaine dans le contexte d’un conflit armé. Cette période coïncide justement avec celle qui a marqué l’intervention des éléments armés du MLC invités par l’ancien président Ange-Félix Patassé pour contrer les ex-rebelles de l’actuel président centrafricain, François Bozizé. La République Centrafricaine avait déferré la situation au Procureur « pour incapacité de mener les procédures complexes nécessaires à l’enquête ». Conformément au Statut de Rome, la CPI vient d’intervenir en décidant d’ouvrir une enquête. Parmi les personnes visées, l’ancien président centrafricain et Jean-Pierre Bemba, ex-vice-président de la République démocratique du Congo et président national du Mouvement de libération du Congo sont dans le collimateur de la CPI.
Le Procureur de la Cour pénale internationale, CPI, M. Luis Moreno Ocampo, a ouvert depuis hier mardi 22 mai une enquête en République Centrafricaine. Cette enquête porte sur des crimes graves relevant de la compétence de la Cour et qui ont été commis en République Centrafricaine en 2002 et 2003. Des civils furent tués et violés, des maisons et des commerces pillés. Les crimes présumés se sont produits « dans le contexte d’un conflit armé entre le gouvernement et des forces rebelles », signale-t-on à la Haye, siège de la CPI.
Selon le Procureur, des centaines de victimes de viols, 600 jusqu’ici, ont fait connaître leur histoire personnelle, rapportant des crimes commis avec une particulière cruauté. Des compte rendus de ces récits sont parvenus jusqu’au Bureau du Procureur. Les victimes décrivent les viols en public. Les actes de violence commis par plusieurs agresseurs, les viols en présence de membres de leur famille et les autres violences qu’elles ont endurées lorsqu’elles offraient une résistance. De nombreuses victimes ont été par la suite rejetées par leurs familles et leurs communautés. « Ces victimes demandent justice », souligne M. Moreno Ocampo.
Aussi, le Procureur intervient-il à la suite de la décision du gouvernement centrafricain d’avoir déferré la situation au Procureur dès lors que le « système judiciaire national était dans l’incapacité de mener les procédures complexes nécessaires à l’enquête et aux poursuites concernant les crimes présumés ». La complexité découle de ce fait que dans la plainte du Parquet de Bangui, des personnalités ci-après, Ange-Félix Patassé et Jean-Pierre Bemba avaient été citées. Le Premier, chassé du pouvoir s’est réfugié au Togo. Le second était vice-président de la République de la Rdc, actuellement sénateur. Il était difficile pour le Parquet de Bangui de les interpeller pour les juger.
POURQUOI BEMBA ?
Aussi, conformément au Statut de Rome, la CPI, instance de dernier recours n’ intervient que dans les situations dans lesquelles les autorités judiciaires nationales ne peuvent ou ne veulent engager des procédures véritables. D’où cette ouverture d’enquête qui, selon les premiers propos du Procureur, « ne vise aucun suspect en particulier à ce stade et sera guidée exclusivement par les preuves qui se feront jour ».
La période ci-évoquée coïncide justement avec celle qui a été marquée par la présence à Bangui des militaires du Mlc de Jean-Pierre Bemba, alors que celui-ci était encore en rébellion. Pour contrer la poussée militaire des hommes de François Bozizé qui tentaient de l’évincer du pouvoir, Ange-Félix Patasse avait recouru au renfort militaire de Jean-Pierre Bemba. Grâce à cette assistance militaire, il avait réussi à faire avorter le coup d’Etat. On reprocherait cependant aux militaires de Bemba de cette époque d’avoir commis des actes de violences, de pillages avant de se retirer. Une plainte contre les hommes de Bemba a même été introduite auprès du Parquet de Bangui. C’est à titre que Jean- Pierre Bemba pourrait être l’objet d’une procédure judiciaire. Les enquêteurs, selon la CPI « vont maintenant commencer à recueillir des éléments de preuve, en se concentrant sur la période pendant laquelle un pic de violence fut atteint ».
Cependant, Jean-Pierre Bemba a toujours nié les accusations portées contre lui et ses hommes. Ensuite, il avait affirmé que le renfort militaire avait été envoyé à Bangui « à la demande d’un président élu démocratiquement ».
Toutefois, si les preuves confirment la participation de ses hommes dans ces crimes, il ne fait l’objet d’aucun doute que Jean-Pierre Bemba sera interpellé pour y être entendu. Voire, mis en accusation. Il deviendra ainsi la deuxième personnalité politique congolaise à être entendue par la CPI, après Thomas Lubanga actuellement incarcéré à la Haye. Il y a donc des risques que sa carrière politique soit compromise.
Qu’à cela ne tienne. On souhaiterait que la CPI pousse sa logique jusqu’au bout. Des actes de violence de cruauté inégale ont été également commis dans la région des Grands Lacs, particulièrement au Kivu et en Ituri. Mais de nombreux seigneurs de guerre ne sont pas inquiétés et certains mandats d’arrêt que l’on aurait émis, n’ont été que les effets de simple annonce.
VIOLENCES SEXUELLES : CRIMES CONTRE L’HUMANITE
La gravité des faits réside dans la qualification des infractions. Or, dans le cas d’espèce de la République Centrafricaine, le Bureau du Procureur note que « les crimes allégués les plus graves, comprenant des assassinats, des actes de pillage et des viols ont été commis à l’occasion des combats intenses en octobre -novembre 2002 et en février – mars 2003. On a alors vu se développer une pratique de viols et d’autres actes de violence sexuelle perpétrés à grande échelle par des individus armés. La violence sexuelle semble ainsi avoir constitué une composante centrale du conflit ».
Or, selon le droit international, les violences sexuelles sont des « crimes contre l’humanité ». D’où la gravité des faits, disions-nous. Le Procureur l’affirme en disant que « sur la base des informations en possession de son bureau, les crimes allégués, notamment les assassinats et les crimes sexuels commis sur une grande échelle étaient suffisamment graves pour justifier une enquête ».
Bien plus, précise le Bureau du Procureur, une mission a été menée à Bangui en novembre 2005 au cours de laquelle le Bureau du Procureur a obtenu clairement confirmation que « les victimes de la République Centrafricaine attendaient de la CPI qu’elle agisse afin que justice soit faite et qu’elles puissent recouvrer leur dignité ».Puisse la CPI se soucier également de ces victimes qui ont perdu leur dignité au Proche-Orient où se commettent aussi « des crimes contre l’humanité ».
Au demeurant, cette enquête de la CPI est une affaire à suivre.
Bemba nie toute responsabilité
Le sénateur et ex-chef rebelle de République démocratique du Congo Jean-Pierre Bemba a nié hier mardi 22 mai toute responsabilité dans des crimes commis en 2002 et 2003 en Centrafrique et affirmé qu’il avait à l’époque lui-même appelé l’ONU à une enquête, dans une déclaration à l’AFP.
La Cour pénale internationale (CPI) a annoncé mardi avoir ouvert pour la première fois une enquête sur des crimes sexuels, des viols en Centrafrique en 2002 et 2003, mais elle n’a pas nommé de suspect. L’enquête porte sur la période de la répression de la tentative de coup d’Etat du général François Bozizé en 2002 contre le président centrafricain, à l’époque Ange-Félix Patassé.
Pour mater la rébellion, M. Patassé avait notamment fait appel au Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, dont un millier d’hommes avaient participé aux combats contre les troupes du général Bozizé. «Je suis le premier à avoir demandé une enquête sur des allégations de viols et d’exactions qu’auraient pu commettre certains de mes hommes», a déclaré M. Bemba, joint par téléphone au Portugal, où il est actuellement en soins.
«J’avais dès octobre 2002 écrit au représentant spécial de l’ONU en Centrafrique, le général (Lamine) Cissé. Il m’a répondu dans une lettre en janvier 2003 qu’il avait diligenté une enquête et que dès qu’il aurait de nouveaux éléments, il m’en ferait part», a-t-il poursuivi. «Je n’ai jusqu’à aujourd’hui reçu aucune nouvelle des Nations unies, ni aucune preuve impliquant les troupes envoyées en Centrafrique en 2002″, a-t-il précisé.
«Nous n’avons fait qu’une chose, c’est intervenir à la demande d’un président démocratiquement élu qui était victime d’une tentative de coup d’Etat», a-t-il affirmé. Les troupes du MLC de M. Bemba, alors engagé dans une guerre contre le régime de Kinshasa (1998-2003), contrôlaient la province congolaise de l’Equateur (nord-ouest), limitrophe de la Centrafrique. Un millier d’hommes avaient traversé le fleuve Oubangui, frontière naturelle entre les deux Etats, pour contrer les troupes de Bozizé. Une fois la tentative de coup d’Etat matée, les «Congolais» sont accusés d’avoir fait régner la terreur, tuant, pillant et surtout violant. «Ma responsabilité est totalement dégagée dans cette affaire, a estimé M. Bemba, qui dirigeait à l’époque le MLC depuis Gbadolite. Je n’étais pas en Centrafrique et si demain une enquête conclut à la responsabilité d’éléments du MLC, ils devront être poursuivis et condamnés comme le prévoit la loi.
AFP
© Congo Vision
24 mai 2007
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