Par Pierre Kalambayi Misasa – http://www.congoone.net/Allstory.php?ArtId=694
Le désamour latent entre Joseph Kabila et le Kivu qui l’a porté au pouvoir avec des scores à la soviétique (plus de 90%) a fini par éclater au grand jour à travers le coup de gueule des évêques du Kivu qui ont renoncé à la langue de bois en mettant en cause Joseph Kabila et son régime pour leur silence et inaction face à la terreur que des forces négatives font régner dans le Kivu en semant la mort et la désolation dans cette partie de la République devenue une véritable zone de non droit.
En effet, réunis du 29 mai au 01 juin courant en réunion statutaire de l’assemblée épiscopale provinciale de Bukavu, soit deux jours après le massacre de Kaniola dont les victimes ont été fauchées, taillées en pièces par machettes et haches ; les évêques du Kivu relèvent non sans raison que Kaniola n’est pas un cas isolé et soulignent que ce qui se passe dans la région de manière récurrente et particulièrement cruelle est symptomatique des tourments quotidiens et des angoisses sans nom des populations congolaises qui sont parfois à se demander si elles ont enfin de véritables institutions républicaines et si elles peuvent vraiment compter sur elles.
Sans chercher à retourner le couteau dans la plaie, ni céder au sadisme ni au cynisme, comment ne pas saluer enfin la lucidité des évêques du Kivu, eux qui, contrairement à la Conférence épiscopale nationale du Congo (CNECO), avaient soutenu l’abbé Malu-Malu, président de la « très » indépendante Commission électorale et Kabila Kabange dans leur refus absurde de requalifier le processus électoral comme si le hold-up électoral était susceptible de réconcilier les ex-Zaïrois avec eux-mêmes ?
Au moment où à Kinshasa, Kabila Kabange et son ministre de l’Intérieur, Kalume Numbi dit Maradona, s’emploient à organiser une table ronde considérée comme une panacée pour pacifier le Kivu, les évêques du Kivu semblent en bonne intelligence avec les députés de la région qui désapprouvent cette initiative. Et comment en serait-il autrement quand les évêques dénoncent le silence et l’apathie des institutions républicaines issues des urnes : le chef de l’Etat, le parlement, le gouvernement, l’armée et les cours et tribunaux ? Et d’ajouter : « Que le gouvernement considère le problème de la sécurité comme la priorité et qu’il cesse de distraire l’opinion avec des plans de négociations, de dialogues et de tables rondes qui n’aboutiront pas à grand chose de vraiment pertinent ».
L’énergique coup de gueule des évêques se veut véritablement comme une « insurrection des consciences » dans la mesure où ils mettent en relief le fait que pendant que des gens sont tués presque au quotidien comme des brebis conduites à l’abattoir, leurs bourreaux baignent dans une impunité que rien ne justifie. Plus grave encore, notent les évêques, « notre inquiétude s’accentue davantage quand on considère que le délit et le crime sont mutualisés par de véritables organisations bien connues et que ces positions sociales des criminels sont utilisées comme moyen courant et privilégié d’accéder au pouvoir ».
La réponse du berger à la bergère
Comme pour réagir aux propos très durs des évêques du Kivu, Kabila Kabange qui animait conjointement dimanche 3 juin courant à Brazzaville une conférence de presse avec son homologue du Congo-Brazzaville, Denis Sassou Nguesso, a semblé prendre ses distances avec la fameuse table ronde kivutienne de Kinshasa. Pas Plus ! L’indolence est toujours au rendez-vous au point qu’on ne peut résister à la tentation de se demander à qui profite véritablement les crimes du Kivu ?
En effet, en rapport avec l’insécurité qui se porte bien au Kivu, singulièrement au Nord-Kivu, Kabila Kabange a rappelé à Brazzaville que ce sont les combattants hutu rwandais venus en RDC en 1994, qui refusent de rentrer dans leur pays, qui sèment la mort parmi les Congolais. A cela, il faut ajouter le cas du général déchu Nkundabatware et les innombrables milices (Mayi-Mayi, Mudundu 40.) qui refusent leur intégration au sein des Forces armées de la RDC.
Curieuse est la solution que préconise Joseph Kabila. La très officielle Agence Congolaise de Presse (ACP) cite le champion de l’AMP : « Face à cette situation, nous nous efforçons à persuader les ex-FAR de déposer les armes et de rentrer chez eux tout en gardant l’option militaire au cas où ils refuseraient d’obtempérer. Il en est de même de Nkundabatware. Certainement d’ici la fin de l’année, il y aura une solution définitive sur cette question ».
Pour les analystes de la scène politique congolaise, le Kivu devra retenir son souffle pendant longtemps car les ex-FAR qui ont été des alliés du régime Kabila pour contrer l’avancée de l’ex-rébellion du RCD sont des hôtes encombrants pour Joseph Kabila qui n’est pas sans savoir que l’ex-armée rwandaise de Juvénal Habyarimana s’est transformée à partir de Kinshasa en mouvement politico-militaire dénommée Forces démocratiques pour la libération du Rwanda, sur le modèle du conglomérat des aventuriers de l’AFDL, et a conditionné le retour de ses membres au Rwanda à la tenue d’un Dialogue inter Rwandais à l’instar de celui ayant réuni les Congolais en Afrique du Sud en 2002. Cerise sur le gâteau, c’est avec des passeports congolais que les dirigeants du FDLR sillonnent le monde ainsi que l’avaient dénoncé avec fermeté, en 2005, Valentin Mubake Nombi Kamwanya, président du Comité National de l’Union pour la démocratie et le progrès social.
Dans ces conditions, que signifie la haute trahison pour les Congolais ?








6 juin 2007
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