Les professionnels des médias piégés par le ministre Toussaint Tshilombo

20 juin 2007

Actualités

Attention la liberté de la presse en péril
(Le Potentiel 20/06/2007)

La profession journalistique est, depuis le mardi 19 juin 2007, en atelier organisé au ministère des Affaires étrangères par le ministre de l’Information, Presse et communication nationale, M. Toussaint Tshilombo Send.

Officiellement, il s’agit d’examiner et d’amender l’avant-projet de loi portant organisation, attributions et fonctionnement du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), organe de régulation appelé à remplacer la Haute autorité des médias (HAM). Mais aussi de modifier et de compléter la loi n° 96-002 du 22 juin 1996 fixant les modalités de l’exercice de la liberté de la presse en République démocratique du Congo.

S’il est vrai que l’initiative des lois revient, entre autres, au gouvernement de la République, il n’est pas moins vrai que l’initiative du ministre Tshilombo relève de la supercherie et cache bien des choses.
En effet, le texte soumis à l’appréciation des professionnels des médias est une servile copie du texte authentique proposé depuis le mois de mai 2007 par la HAM. Le ministre de l’Information et Presse n’a donc rien inventé, sauf qu’il a dépouillé le texte original des dispositions en faveur de la liberté de la presse.

A y regarder de près, la version Tshilombo de l’avant-projet de loi sur le CSAC est un véritable recul par rapport aux avancées déjà obtenues par les professionnels des médias aussi bien à la Conférence nationale souveraine (CNS) qu’au Dialogue intercongolais de Sun City en Afrique du Sud.

Il faut rappeler à l’opinion que dans l’esprit de ces deux forums, le ministère ayant en charge l’information et la presse devait s’effacer pour laisser place à l’instance de régulation des médias. Cette option avait pour avantage de mettre définitivement fin aux immixtions intempestives des politiques (entendez le gouvernement) dans les médias, une pratique assez courante sous la deuxième République où les médias et ceux qui les animaient étaient au service de la pensée unique.

L’idée a été davantage développée et défendue les professionnels des médias, jaloux de leur liberté, lors des états généraux de la presse de 1995 aux termes desquels ils ont soutenu la création de l’instance de régulation qui sera finalement consacrée par l’Acte constitutionnel de la transition né du Dialogue intercongolais et par la Constitution de la transition.

D’ailleurs, dans biens des pays où l’exercice de la démocratie ne fait l’ombre d’aucun doute, il n’existe pas de ministère chargé de l’information et de la presse. Il y existe plutôt des instances de régulation indépendantes des autres institutions de la République, particulièrement du gouvernement. Et même là où les deux structures co-existent, comme c’est le cas dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest, l’indépendance de l’une vis-à-vis de l’autre y est affirmée et jamais l’une n’a été placée comme un appendice de l’autre.

Ce n’est pourtant pas ce que propose Toussaint Tshilombo qui réduit l’instance de régulation (CSAC) à un simple organe technique placé, pour son fonctionnement, sous dépendance et sous tutelle du ministère ayant la presse, l’information et la communication nationale dans ses attributions.

Il faut être analphabète pour ne pas percevoir la capacité de nuisance du porte-parole du gouvernement et ses velléités d’avoir une mainmise sur les médias congolais. Déjà, l’exposé des motifs de l’avant-projet de loi, version Toussaint, est lui-même révélateur de mauvaises intentions du communicateur national en ce qu’il insiste sur le caractère strictement technique du CSAC et sur l’autorité gouvernementale donc est investi son ministère.

La vérité est que le ministre Tshilombo qui avait jadis été blâmé par la HAM à cause de ses dérapages dans les médias, veut tout régenter. Il veut réglementer et réguler en même temps. C’est cela le sens qu’il donne à la tutelle, même si, dans sa confusion, il parle d’autonomie du CSAC. Pour preuve, il y a quelque temps, il comparaît la HAM au Conseil supérieur du portefeuille (CSP) et au Conseil supérieur de la magistrature, le premier dépendant du ministère du Portefeuille, le second de celui de la Justice.

La question que l’on peut se poser est de savoir comment un organe créé par la Constitution et régi par une loi organique peut-il dépendre d’un ministère qui n’est même pas une institution de la République et dont l’organisation et le fonctionnement sont fixés par un décret ?

Pour peu qu’on connaisse le droit, on sait que dans la hiérarchie des textes légaux, la loi est au-dessus d’un décret. Comment Tshilombo, professeur d’université de son état (il adore cette étiquette et l’évoque dans toutes ses interventions) peut-il l’oublier ?

Toujours dans cette confusion délibérément entretenue, le ministre de l’Information, Presse et communication nationale reconnaît l’indépendance d’action au CSAC, mais la subordonne à une « approbation préalable du ministère » en ce qui concerne les décisions que doit prendre l’instance de régulation. Quelle cacophonie !

Le lecteur des décrets du Chef de l’Etat va encore plus loin, en dotant le CSAC du pouvoir de coordonner les organisations internationales du secteur. Il est possible que nous l’ignorions, mais peut-il nous donner un seul exemple au monde d’une instance de régulation qui est investie d’une telle mission ? Sait-il comment sont régies les organisations internationales ?

L’inviolabilité du siège du CSAC, l’attribution d’un rang aux membres de ce dernier, le droit pour celui-ci de donner des avis au gouvernement sur certaines matières et la budgétisation obligatoire des organes statutaires du CSAC ne semblent pas non plus préoccuper Toussaint Tshilombo.

Mais il serait naïf de croire que le ministre a perdu le nord. Sa tactique procède d’une stratégie diabolique planifiée de longue date par son prédécesseur qui ne cessait de répéter à qui voulait l’entendre et même à Tshilombo que le ministère de la Presse et information était devenu une coquille vide du fait que la HAM avait pris toutes les prérogatives jadis dévolues au ministère.

D’où la tentative de Toussait de récupérer les prérogatives « perdues ». Et pour maquiller cette cabale, le ministre se devait d’organiser cet étalier et de mettre à contribution les professionnels des médias dont certains, à en croire certaines sources, seraient acquis à sa cause. On cite dans le lot un membre du Comite directeur de l’Union nationale de la presse du Congo (UNPC), proche du ministre et qui serait prêt à brader les acquis de la lutte chèrement menée par les professionnels des médias. Il y a aussi un membre de la profession enseignante, lui-même candidat à la présidence du CSAC, dit-on, et ayant siégé dans la commission de préparation de l’atelier.

Ce serait vraiment dommage que la liberté de la presse acquise au prix de mille et un sacrifices par les journalistes congolais soit, à nouveau, confisquée avec leur propre concours.

Les participants à l’atelier devraient ouvrir l’œil et le bon, pour extirper du texte suicidaire du ministre Tshilombo toute idée de subordination du CSAC au ministère de l’Information, presse et Communication nationale. Ce qui nous ramènerait à l’époque du ministère de l’Orientation nationale sous le régime de Mobutu Sese Seko. Les professionnels des médias devraient exiger l’avant-projet de loi proposé par la HAM et l’amender à leur guise s’ils veulent faire œuvre utile.

Par Freddy mulumba kabuayi

À propos de kakaluigi

Agé de 66 ans, avec 35 ans passés en Afrique dans la République Démocratique du Congo comme missionnaire. Engagé dans l'évangélisation, le social et l'enseignement aux écoles sécondaires. Responsable de la Pastorale de la Jeunesse, Directeur du Bureau Diocésain pour le Développement (BDD), Directeur d'une Radio Communnautaire et membre du Rateco.

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