Par Le Potentiel
A mi-parcours de ce mandat reçu du peuple en 2006, le Congo a-t-il ces hommes au sens élevé de l’amour de ce pays, des hommes capables d’affronter les grands défis du monde marqué par la mondialisation ? Y a-t-il eu une nouvelle mentalité et une grande volonté politique pour sauver ce pays pour qu’il puisse rentrer rapidement dans le concert de grandes nations du monde ? A-t-on la ferme détermination de changer ce pays ? Le moment est venu de répondre à ces interrogations. Faire le dos en attendant que ça se passe, serait une faute. Le président de la République, Joseph Kabila Kabange, a posé le diagnostic, pour la troisième fois, dans son dernier message à la nation. Il y a lieu de l’accompagner dans cet élan pour redéfinir les stratégies prioritaires et imposer une nouvelle feuille de route.
« Quant à moi, garant constitutionnel du bon fonctionnement des institutions, je suis déterminé à mettre fin à cet état de choses, avec le concours des instances attitrées. Il est temps que les opérateurs judiciaires choisissent leur camp ; celui de servir ou de martyriser davantage un peuple meurtri et éprouvé par plusieurs années de conflits et de violences ». C’est en ces termes sévères que le président de la République faisait le constat malheureux de la Justice en dénonçant le magistrat qui se « rend coupable de vol, de concussion, de corruption et voire même des infractions de droit commun, avec une facilité déconcertante ». C’était le 30 juin à Goma à l’occasion des festivités du 49ème anniversaire de l’indépendance du Congo.
Auparavant, le chef de l’Etat mettait en garde toute la communauté nationale contre les anti-valeurs qui s’enracinent au sein de la société congolaise. Il s’agit des « Cinq fléaux qui risquent de mettre en péril le projet ambitieux de « 5 Chantiers » ; à savoir : l’indiscipline, l’intolérance, la concussion, la gabegie financière et la corruption.
Le constat est grave. Surtout que l’on a touché à un secteur vital des institutions républicaines. Le moment est et propice pour procéder aux changements. Ne pas le faire maintenant, c’est accepter qu’on ne le ferait plus jamais.
SESSION EXTRAORDINAIRE OU ETATS GENERAUX
La question maintenant est de savoir comment procéder face à cette situation grave au moment où les parlementaires sont en vacances. Devant cette urgence de redéfinir les stratégies prioritaires de manière à doter le pays d’une nouvelle feuille de route, le président de la République a deux possibilités.
La première, pour le cas d’espèce, est de convoquer une session extraordinaire du Parlement, en conformité avec l’article 116 de la Constitution qui stipule : « Chaque chambre du Parlement peut être convoquée en session extraordinaire par son président sur un ordre du jour déterminé, à la demande soit de son bureau, soit de la moitié de ses membres, soit du président de la République, soit du Gouvernement. La clôture intervient dès que la chambre a épuisé l’ordre du jour pour lequel elle a été convoquée et, au plus tard, trente jours à compter de la date du début de la session ».
Il revient au président de la République d’apprécier cette opportunité de convoquer cette session extraordinaire maintenant. Ou d’attendre la rentrée parlementaire du mois d’octobre, essentiellement budgétaire.
La deuxième possibilité est celle de la convocation des « états généraux » précédée par une réunion « interinstitutionnelle » appelée à lever les grandes options des stratégies prioritaires pour une nouvelle feuille de route. Cette réunion regroupera tous les partenaires sociaux y compris les forces vives de la nation, notamment les confessions religieuses. Dans cette dernière catégorie, la Conférence épiscopale nationale du Congo, CENCO avait lancé un cri de cœur la veille des élections 2006 : « Sauvons le Congo pour un Congo nouveau ». A la veille des élections, ils déclaraient ce qui suit : « La IIIème République ne réussira véritablement que si le peuple arrive à élire des hommes nouveaux, avec un sens élevé de l’amour de ce pays, soucieux du bien commun, rompus à la bonne gouvernance, ayant une probité morale et une bonne capacité intellectuelle doublée d’expérience éprouvée, bref des hommes capables d’affronter les défis du monde marqué par la mondialisation et la complexité des problèmes. Notre cher pays est riche, non pas seulement en potentialités naturelles, mais aussi et surtout en ressources humaines. Le peuple a besoin des hommes qui veulent le développement intégral de ce pays, des artisans de paix, de justice et de l’unité nationale. Le Congo sera sauvé à ce prix. Avec une nouvelle mentalité et une grande volonté politique, notre pays peut entrer rapidement dans le concert de grandes nations du monde…».
Si l’on analyse sereinement le constat sévère du 30 juin du chef de l’Etat, cet objectif est loin d’être atteint. Les « Cinq fléaux » dénoncés par le président de la République risquent de précipiter le pays au fond du ravin.
OUVERTURE POLITIQUE
Dans un moment aussi déterminant, le président français a eu un comportement qui peut inspirer d’autres chefs d’Etat africains. Lundi 22 juin 2009, au Château des Versailles, près de Paris, le chef de l’Etat français a «bravé l’interdit » pour faire une déclaration devant le parlement français réuni en Congrès, en définissant la Charte de l’action gouvernementale et parlementaire pour la fin du quinquennat. « Si j’ai voulu m’exprimer devant vous aujourd’hui, c’est pour montrer l’importance que j’attache au parlement, à son rôle, à son travail. C’est un moment important. Je l’aborde avec gravité et avec humilité tant la situation que nous vivons est sans précédent. Nul dans ces circonstances n’est assuré de détenir la vérité… L’exclusion, c’est ce que la crise peut engendrer de plus grave ».
Dans son discours pathétique à la Nation, le président Sarkozy s’était employé à dépasser le « clivage droite-gauche » et à démontrer manifestement le courage de changer. Il a décidé d’associer les partenaires sociaux pour définir les priorités du gouvernement, et les responsables économiques, les acteurs du monde de la culture, de la recherche, de l’éducation seront associés pour fixer les priorités nationales afin de préparer l’avenir de la France.
Joignant l’acte à la parole, Sarkozy a effectué une ouverture politique en nommant Frédéric Mitterrand, un socialiste, au poste de ministre à la Culture. Ensuite, Alain Juppé, de droite, et Michel Rocard, de gauche, tous deux anciens premiers ministres français, ont été désignés pour présider la « Commission emprunt qui sera chargée de réfléchir aux priorités du futur emprunt national ».
Il n’y a pas de mal à s’inspirer de cette initiative, sauf si on le fait de façon servile. Au fait, le sénateur Modeste Mutinga ne croyait pas si bien dire dans son Nota Bene 4653 en proposant « Une nouvelle feuille de route pour Kabila ». Il faisait appel « aux stratèges politiques dans le pré-carré du chef de l’ Etat pour qu’ils ressortent les discours du chef de l’Etat des 6 décembre 2006 et 6 décembre 2007 qui ont été applaudis frénétiquement par le peuple (NDLR : maintenant le message du 30 juin 2009). Ces deux/trois discours donnaient une vision de bonne gouvernance et de changement pour son premier mandat électif. Ils doivent sur fond de cette vision, élaborer une stratégie rationnelle pour une nouvelle feuille de route. A l’état où le bilan socio-économique du Gouvernement est jugé globalement négatif, au moment où la population congolaise croupit dans la misère la plus noire, il est urgent que le président de la République envoie un signal fort qui va dans le sens de ses promesses électorales ».
Conscient de la même situation, le président français disait ceci à ses concitoyens : « La crise est aussi un puissant révélateur de nos défaillances et de nos faiblesses. Faire le dos en attendant que ça passe, serait une faute. Rien n‘était moins propice aux grands changements que l’inertie des temps ordinaires, ce que nous ne ferons pas maintenant, nous ne le ferons pas plus tard. Nous manquerions une chance historique. La crise ne peut déboucher seulement sur la remise en cause des autres. C’est aussi le moment où jamais de nous remettre en cause nous-mêmes. Notre avenir se décide maintenant ».
Oui. L’avenir de la République démocratique du Congo se décide aussi maintenant. Et pour paraphraser toujours le président français, nous dirions qu’il y a lieu « de protéger les concitoyens les plus fragiles, ceux qui souffrent le plus. Tout faire pour éviter que les victimes de la crise, de l’insouciance des gouvernants, en deviennent des exclus que l’on ne pourra plus ensuite réinsérer dans l’économie et dans la société. Car sont eux qui, dans deux ans, en 2011, sanctionneront sévèrement les vainqueurs des élections de 2006 ».- C’est tout dire.








7 juillet 2009
Au fil des jours