A plusieurs occasions depuis le début de l’année, EurAc a exprimé ses inquiétudes sur ce qui se passe à l’est du Congo : nous croyons que les opérations conjointes seront contre-productives, aussi bien sur le plan sécuritaire et sur les conditions de vie quotidienne de la population, que pour le processus de démocratisation. Nous avons toujours défendu le point de vue qu’une action militaire quelconque contre les FDLR n’a aucun sens si elle n’est pas en fonction d’une solution politique négociée, et aucun accord avec les FDLR ne pourra se concrétiser si l’espace démocratique au Rwanda ne s’ouvre pas. Un autre effet pervers des opérations militaires est l’annihilation des réalisations positives du travail d’Eusec, la mission d’assistance de l’UE aux réformes de l’armée congolaise. Le recensement biométrique des militaires et la séparation de la chaîne de paiement de la chaîne de commandement marquaient un progrès remarquable vers le début d’une gestion transparente des FARDC qui sont constituées jusqu’aujourd’hui de diverses unités et milices sans organigramme ou loyauté claires. La rapidité et le manque de préparation des opérations militaires, la façon de démanteler des brigades pour recomposer des nouvelles unités et l’intégration accélérée des effectifs CNDP dans les FARDC ont replongé l’armée congolaise dans la confusion totale. C’est ce que souligne avec pertinence Marie-France Cros dans son article «Vers un nouveau débâcle au Kivu ? » (La Libre Belgique du 23 juin 2009) quand elle écrit: «… l’indiscipline de l’armée congolaise, légendaire, s’est aggravée. A la désobéissance généralisée, aux mutineries fréquentes, se sont ajoutés d’abord de nombreux pillages et, depuis le début de juin, des désertions non plus individuelles mais en masse. Ce dernier processus est en train de s’emballer : c’est par compagnies entières, désormais, que des militaires congolais passent au maquis… » Aujourd’hui, tout le monde semble frustré par rapport à Eusec. L’UE attend un signe clair de loyauté à la mission d’Eusec de la part des autorités congolaises. Celles-ci préféreraient avoir à faire avec chacun de leurs partenaires sur base bilatérale au lieu d’affronter l’ensemble dans le cadre européen. Elles continuent d’ailleurs à trouver que l’approche Eusec est ambiguë. La RDC voudrait que l’Europe aille plus loin : non seulement établir une armée unifiée, mais aussi lui fournir l’équipement et les armes qui pourraient la rendre crédible et performante. Entre-temps, frustrés par le fait que les éléments de progrès du travail d’Eusec sont encore une fois tombés en miettes à cause des événements sur le terrain, certains Etats-membres de l’Union intensifient leurs efforts bilatéraux, ce qui constitue un risque que l’Union soit piégée dans la tension entre bilatéralisme et multilatéralisme. Par conséquent, il n’y a pas beaucoup d’enthousiasme sur Eusec, pas en termes de volonté politique d’investir de l’argent dans la mission, encore moins en termes d’envoyer du personnel militaire ou civil à Eusec. Mais convaincu qu’il n’existe aucune solution durable à l’insécurité au Kivu sans que la Troisième République dispose des instruments à imposer l’Etat de droit, EurAc plaide pour un mandat fort et un appui consistant qui permettent à Eusec d’accompagner les réformes du secteur de sécurité en RDC en se focalisant sur sa « core business » et en capitalisant la complémentarité avec les efforts des Etats membres de l’UE et les autres acteurs internationaux.
Kris Berwouts, Directeur EURAC
16 juillet 2009
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