(Le Potentiel 19/01/2012)
Tout se déroule comme si l’on sonnait déjà le tocsin. Les contestations ou réclamations, c’est selon, fusent de partout. Des partis politiques aux Eglises en passant par des plates-formes politiques, la Société civile, les missions d’observations tant nationales qu’étrangères, les organisations internationales, les partenaires étrangers, jamais élections en République démocratique du Congo n’ont bénéficié d’autant de «publicité» hautement gratuite que celles de 2011. Une façon de donner raison à Herman Cohen, ancien sous-secrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines qui disait tout récemment : «Tout le monde est embarrassé. Même les bailleurs de fonds…». Véritable sonnette d’alarme.
La saga électorale en République démocratique du Congo n’a pas encore fini de livrer ses surprises. Elle est si fertile en rebondissements que l’on s’interroge sur ce que nous réserve demain. Tout se passe comme si la date du 28 novembre était un déclic d’un complot contre la République démocratique du Congo. Sinon, on ne peut comprendre que le peuple congolais, après qu’elle a joué sa partition en accomplissant en toute responsabilité son devoir citoyen, les autres partenaires se livrent à un jeu machiavélique pour entraîner toute une nation dans un suicide collectif.
En effet, depuis le 28 novembre, il ne se passe plus un seul jour sans qu’on enregistre des contestations ou des réclamations mettant en doute la crédibilité du scrutin. Dès les premières heures de l’après-élections, les missions d’observations avaient sonné le tocsin, relevant des irrégularités qui avaient entaché ce scrutin. Des propos prudents de premiers jours devraient finalement faire place à des critiques sévères. Ainsi, le Centre Carter, la Mission d’observation de l’Union européenne parlaient déjà de «graves irrégularités et des déficiences sérieuses» qui avaient entaché le vote. Washington, par la voix de Hillary Clinton, secrétaire d’Etat américaine qualifiait ce qui s’est passé en RDC «d’aucune commune mesure avec des avancées significatives enregistrées en Afrique».
Intervenant à son tour, l’Eglise catholique n’y est allée pas de main morte. Dans sa déclaration, l’archevêque de Kinshasa a stigmatisé les résultats du vote qui ne «reflétaient ni la justice ni la vérité». Tout récemment, sur un ton sévère assimilé à un ultimatum, l’Eglise catholique invitait la CENI «à corriger les erreurs ou à démissionner» purement et simplement. Prenant le relais, l’Eglise du Christ au Congo, qui s’est voulue «modeste» tout en reconnaissant les faits reprochés à la CENI, y est allée, suppliant pratiquement tout le monde, car embarrassée : «Oublions le passé, tournons notre regard vers l’avenir. La perfection n’est pas de ce monde».
Au plan international, Herman Cohen s’est fait pratiquement le «porte-parole» pour dire tout haut ce que la communauté internationale pense tout bas : «Tout le monde est embarrassé. Même les bailleurs de fonds ne savent comment élaborer leur budget. Les élections législatives sont plus importantes que la présidentielle. Prenons le cas de la ville de Kinshasa qui compte près de 10 millions d’habitants et plusieurs chômeurs. S’il arrivait qu’on se rende à l’évidence que quelqu’un n’a pas été élu à cause de la fraude, ça peut dégénérer».
La mission nationale des observateurs est plus tranchante. Elle demande l’annulation des élections au regard de graves irrégularités.
Embarrassée, la Belgique l’est à l’oeil nu à la suite des déclarations tout aussi embarrassantes, les unes après le autres. La dernière est celle du vice-Premier ministre et ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, lequel affirme que l’ordre des résultats des élections n’a pas été remis en cause par une quelconque mission d’observateurs étrangers. Mais «l’on attend la mise en place de la future Assemblée nationale». Sic. Qu’est-ce à dire ? Rien d’intéressant dans cette déclaration subtile.
Au plan national, c’est déjà la «pagaille». Comme dans un «holà» que l’on observe dans un stade de football, l’un après l’autre, les contestataires se succèdent. Toutes tendances confondues. Majorité comme Opposition, chaque partie ou camp, ne se retrouve plus dans ces résultats publiés par la CENI. Tout le monde est «victime» d’irrégularités, pour ne pas dire de fraude, de manipulation, de corruption. En d’autres termes, la CENI aurait corrompu tout le monde, y compris elle-même. Et comme si cela ne suffisait pas, les candidats à l’élection présidentielle reviennent à la charge. En effet, le trio «Kengo-Mbusa-Bombole» réclame la tenue d’une table ronde. Pour quels objectifs ou quels buts ? Ni transition, ni Gouvernement d’union nationale. Eux aussi, sont embarrassés et ne savent quoi dire au juste.
KABILA, TSHISEKEDI : OBSERVATEURS INTERESSES
Pendant que se trame toute cette saga, le président de la République, Joseph Kabila Kabange, ne dit mot. Il continue à observer, garde le silence, toujours dans son calme olympien. Est-il lui aussi embarrassé ? Les observateurs avertis n’excluent pas cette éventualité.
Certes, qu’il attend lui aussi les résultats des législatifs dès lors que son sort est connu de tous pour se prononcer sur le futur Premier ministre et le gouvernement à mettre en place. Mais dès lors que dans la Mouvance présidentielle les membres de l’équipage et les passagers sont en train de se donner des coups de poings, son silence ne peut que traduire son embarras.
Le sphinx de Limete observe également la même attitude. Il demeure attentif, se réserve de ces déclarations dont il connaît seul le secret, pour autant que certaines de ces réactions, de cet embarras qui enveloppe tout le monde, tant sur le plan national qu’international, est à son avantage tout comme à son désavantage. En plus, du fait que l’Opposition sur laquelle il devrait s’appuyer est aussi embarrassée par des réactions éparses, l’embarrasse dans la mesure où cette attitude le fragilise.
RDC : UNE POSITION INCONFORTABLE
Voilà une situation qui ne conforte pas la République démocratique du Congo. Embarrassée à son tour, la CENI a du mal à «corriger» des erreurs qu’elle a même reconnues. Elle est aujourd’hui au centre de ce grand embarras, de toutes ces irrégularités, fraudes, falsifications, corruptions. Y remédier devrait se traduire par la remise en cause des résultats d’une bonne partie du processus électoral. La CENI elle-même ne serait pas épargnée. Mais aurait posé un acte de haute portée politique.
Ignorer cet état de choses pour poursuivre sur la même lancée équivaudrait à un «suicide électoral et politique». Jamais le processus électoral ne s’en remettra et les conséquences politiques sont imprévisibles. C’est toute la République démocratique du Congo qui en prendra un coup sérieux. Position inconfortable et très embarrassante.
Par Le Potentiel
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19 janvier 2012
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