(CongoForum)
Radio Okapi totalise, jour pour jour, 10 ans d’existence en RDC ce samedi 25 février. La maigre presse du samedi se livre, dans l’ensemble, à son exercice habituel de ce jour : réchauffer les restes de la semaine. La redistribution des cartes dans les institutions nationales qui va s’opérer dans les prochains jours suscite analyses et commentaires. Les commentaires vont également bon train à propos du courrier de protestation adressé par le gouverneur de la ville de Kinshasa au Cardinal Monsengwo.
Radio Okapi a dix ans
Pour la Fondation Hirondelle, organisatrice du projet, cette radio en RDC est un retour aux sources. A l’origine trois journalistes suisses, Jean Marie Etter, Philippe Dahinden et François Gross, marqués par la tragédie rwandaise, se convainquent de faire quelque chose. Printemps 1994, Philippe Dahinden, membre de Reporters sans frontières est l’un des premiers à mesurer l’ampleur des massacres : « on ne peut pas tout simplement revenir chez soi après et passer à autre chose… Il faut faire quelque chose! ». On lui demande « quoi ?» il répond « une radio ».
« On a essayé, en se disant que les médecins savent mettre leurs compétences au service d’une cause. Nous, nous sommes journalistes, notre compétence radio, on va la mettre au service des autres, par compassion, par solidarité ». En 1995 la Fondation Hirondelle crée ainsi son premier projet, Radio Agatashya (Radio Hirondelle).
Quelques années plus tard, avec le lancement de Radio Okapi en 2002, les Nations Unies et la Fondation Hirondelle se retrouvent une nouvelle fois dans la même volonté commune de défendre l’article 19 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme en RDC :Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.
A l’occasion de cet anniversaire, certains responsables de médias et certains politiciens congolais ont consenti à évaluer le travail abattu au quotidien par Radio Okapi. Si les avis sont globalement positifs, les critiques négatives ne manquent pas.
Voici comment Léonard Mulamba, rédacteur en chef de Radio Okapi, résume le rôle joué par ce média au cours de dix dernières années pour contribuer aux efforts de reconstruction et du rétablissement de la paix en RDC. « Radio Okapi a été présente à tous les rendez-vous au cours desquels on a parlé de la paix : Luanda, Addis-Abeba, New-York, Kigali, Libreville, Ngurdoto. Radio Okapi a participé aux opérations de démobilisation, de rapatriement, d’intégration ou de brassage des forces armées. Et puis, les hommes politiques des différentes tendances se sont retrouvées autour de notre micro pour parler de la paix ».
Le 25 février 2002, lorsque Radio Okapi lance sa toute première diffusion, les négociations politiques s’ouvrent à Sun City (Afrique du Sud) entre les délégués du président Joseph Kabila, ceux des rébellions du Mouvement de libération du Congo (MLC), du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et de l’opposition politique non armée.
A l’époque, Vital Kamerhe est commissaire général adjoint du gouvernement chargé du suivi du processus de paix dans la région des grand lacs. Invité de Dialogue entre Congolais jeudi, il a affirmé que les programmes de la radio de la paix ont influé sur la signature de l’accord de paix dit « global et inclusif » le 17 décembre 2002 à Sun City (Afrique du Sud) entre toutes les parties en conflit. «Radio Okapi y a été pour beaucoup en sensibilisant les Congolais et les pays qui avaient occupé le Congo pour comprendre qu’on devait faire la paix. Que les congolais avaient besoin de voir leur pays réunifié et être dirigé selon les désidératas du peuple », a affirmé Vital Kamerhe.
Selon lui, le rôle de Radio Okapi était important d’autant plus que la Radio télévision nationale congolaise (RTNC) n’était pas captée sur toute l’étendue de la RDC et que les compagnies de téléphonie cellulaire n’étaient pas implantées dans toutes les provinces de la RDC grande comme quatre fois la France. « Il y avait une rupture communicationnelle et les familles étaient isolées », ajoute-t-il pour montrer la place qu’occupait Radio Okapi qui venait de voir le jour.
En 2002, Azarias Ruberwa, qui deviendra vice-président de la RDC une année plus tard, est le secrétaire général du RCD qui contrôle une grande partie de l’Est du pays. Présent aussi dans Dialogue entre Congolais de jeudi, il a souhaité que soit pérennisée Radio Okapi. «Je pense que les 10 ans de Radio Okapi renferment de grands acquis et je pense que même après le mandat de la Monusco, cette radio pourrait survivre », a-t-il déclaré avant de plaider pour l’émergence du professionnalisme dans l’espace médiatique congolais : «Nous avons épinglé beaucoup de valeurs auxquelles vous avez contribuées. Mais vous êtes le seul média à avoir cette capacité. Mon souhait est qu’il y ait d’autres «Radio Okapi » dans les 5 années à venir avec des instituts sur la démocratie et des recherches, et nous pourrons avoir une démocratie beaucoup plus solide que maintenant.»
La critique la plus sévère est signée Freddy Mulumba, directeur général de Télé Sept. Pour lui, Radio Okapi est une « radio au service de l’occident ». « Ceux qui sont à la tête [de cette radio] contrôlée par la Monusco, tous ces gens travaillent contre notre pays. L’information n’est jamais neutre », a-t-il affirmé.
Quant à Jean-Marie Kasamba, directeur général de Télé 50, il reproche à radio okapi de trop marteler sur ce qui ne marche pas en RDC.
De nombreux autres médias par contre applaudissent le travail de Radio Okapi. Pour Polydor Muboya, éditeur au journal Le Phare, « Okapi est un exemple à suivre ». Bruno Mombissom, directeur général du groupe de presse L’Avenir, juge pour sa part que « le travail est bien effectué et la ligne éditoriale équilibrée ». (La cause est entendue ! Pour mettre d’accord les « frères ennemis » il fat vraiment être bon ! NdlR)
Quant au professeur Longonia, directeur général de l’ACP, il se dit fier que cette radio « faite par des Congolais » ait ce niveau de professionnalisme.
Enfin, l’Observatoire des médias congolais s’est déclaré très satisfait du travail abattu au quotidien par Radio Okapi.
La parole est la seule arme des journalistes contre la haine, la violence et l’arbitraire. La responsabilité de ceux qui ont choisi de témoigner pour les autres, les sans voix, est accablante, les risques qu’ils encourent sont incommensurables. A Bukavu, Serge Maheshe et Didace Namujimbo ont payé de leur vie leur engagement au service de Radio Okapi.
Politique
Le Potentiel titre la Majorité et l’Opposition, otages des erreurs du passé. En effet, la semaine prochaine va marquer un tournant décisif dans l’histoire politique de la RDC avec le choix de principaux animateurs des institutions nationales. Mais ni la Majorité ni l’Opposition n’émettent de nouveaux signes encourageants. Comme si elles étaient renfermées dans les erreurs du passé.
Il note que la Majorité s’obstine à faire admettre qu’un seul parti politique pourra diriger ce pays. Seul ou encore avec le concours de 2 ou 3 partis politiques de la même obédience.
De l’avis du Potentiel, ce genre de rapports a toujours conduit à la mise en place d’un gouvernement, certes, de la Majorité, mais inefficace, inefficient, victime des « accords secrets ».
Quant à l’Opposition, elle continue toujours à évoluer en ordre dispersé, bloquée par certains mythes ou légendes alors que la politique est dynamique. Conséquence, cette Opposition risque de terminer cette deuxième législature sans « chef de file » autour de qui les efforts devraient être cristallisés au sein des institutions. La « rue » reste un mode d’expression démocratique mais n’a jamais gouverné. L’on ne peut éternellement se complaire à prendre des mesures « radicales », à diaboliser les « uns et les autres » sans proposer en échange des alternatives politiques valables.
Bref, tout se passe comme si la Majorité et l’Opposition étaient bel et bien otages des erreurs du passé, au risque d’amener ainsi le pays dans une impasse, l’immobilisme.
Hier, CongoForum annonçait, avec la prudence et le point d’interrogation de rigueur: « Tshisekedi à l’UE ? ». Cette info disait, avec de non moins prudents conditionnels : «De source congolaise non encore recoupée pour vérification, nous apprenons que Mr. Tshisekedi, accompagné de son épouse Martha, serait actuellement au siège de l’Union Européenne à Kinshasa. Il aurait donc réussi à franchir, d’une manière ou d’une autre, les obstacles mis à ses déplacements. Il n’est pas précisé s’il comptait se réfugier définitivement dans cette ambassade »
ACP confirme aujourd’hui cette nouvelle, tout en la dédramatisant. « L’opposant congolais Etienne Tshisekedi, empêché à plusieurs reprises par la police de sortir de chez lui à Kinshasa, a pu se rendre vendredi à un déjeuner chez l’ambassadeur d’Allemagne dans la capitale de la RD Congo, a-t-on appris de sources concordantes.
« C’est la première sortie officielle du président Tshisekedi. Ce n’est pas une sortie libre, elle a été négociée avec les autorités de la police et du gouvernement. C’était à l’invitation de l’ambassadeur d’Allemagne », a indiqué à l’AFP un proche de l’opposant. « L’ambassadeur a des contacts régulièrement avec le gouvernement et aussi tous les autres groupes (politiques). C’est dans ce cadre-là que M. Thsisekedi était à la résidence », a confirmé l’ambassade d’Allemagne.
Eglise / Etat
Africanews s’intéresse au courrier que le gouverneur de la ville de Kinshasa et président de l’interfédérale PPRD/Kinshasa, André Kimbuta, a adressé à Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, le patron de l’Eglise catholique à Kinshasa, pour protester contre l’interdiction de célébrer la messe en mémoire d’Augustin Katumba, membre du PPRD et proche collaborateur du chef de l’Etat décédé dans un crash d’avion le 12 février dernier à Bukavu.
Alors que les proches collaborateurs du Cardinal avaient laissé entendre dans un communiqué que ni le gouverneur de la ville ni les instances dirigeantes du PPRD n’avaient sollicité la mise à leur disposition de la Cathédrale Notre Dame de Lingwala, Kimbuta confirme qu’il a personnellement contacté et reçu l’accord de l’abbé recteur de la Cathédrale Notre Dame de Lingwala, Jean Paul Lwanga.
André Kimbuta accuse l’Eglise, ce havre commun appelé à jouer sans cesse au rassembleur, d’avoir refusé « à son fils en situation régulière avec elle, non frappé d’interdiction ou d’une quelconque mesure d’excommunication et qui, par ailleurs, pratiquait régulièrement sa foi », le droit de bénéficier d’une messe de suffrages pour le repos de son âme.
La RDC dans la presse les et documents étrangers
L’UE accusée d’ingérence par un ministre congolais
(Belga/ 7 sur7 – 19 02 12)
Le ministre congolais de la Communication et des Médias, Lambert Mende Omalanga, a accusé l’Union européenne de s’ingérer dans les affaires intérieures de la République démocratique du Congo (RDC) après que la délégation de l’UE à Kinshasa eut publié une déclaration regrettant l’interdiction de la « marche des chrétiens » de jeudi, a rapporté ce week-end la presse kinoise.
« Nous sommes un État de même impérium que leurs États. Nous sommes indépendants depuis 1960 et nous n’avons pas de leçons à recevoir d’eux », a indiqué vendredi M. Mende, qui est également porte-parole du gouvernement.
Dans une déclaration publiée vendredi à Kinshasa, la délégation de l’UE a affirmé regretter l’interdiction de la marche qui devait se dérouler le 16 février, et la décision des autorités de couper les signaux de cinq chaînes de télévision et de radio.
L’UE déplore les incidents survenus lors de l’intervention des forces de l’ordre, dit la déclaration, rejoignant dans sa teneur celles faites par la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en RDC (Monusco) et la Belgique, par la voix du chef de sa diplomatie, Didier Reynders.
La Monusco s’est déclarée « préoccupée par les restrictions aux libertés fondamentales » et a « exhorté » les autorités congolaises à « respecter la liberté de réunion et d’expression, ainsi que le droit à l’intégrité physique et à la liberté et sécurité de la personne, conformément à la Constitution et aux engagements internationaux de la RDC ».
M. Reynders avait pour sa part déploré vendredi « l’emploi excessif de la force » par certaines bandes armées ainsi que par les forces de l’ordre dans des paroisses de Kinshasa, à l’occasion de la « Marche des Chrétiens » de jeudi.
Coulisses. Pourquoi Kabila est (presque) invisible
(Africa Intelligence 20/02/12)
Sorti des écrans radars depuis décembre, le président congolais Joseph Kabila entretient d’inquiétantes spéculations sur son état de santé.
Suite à sa réélection en novembre dans de très mauvaises conditions, Joseph Kabila n’a fait qu’une très rare apparition depuis sa prestation de serment du 20 décembre. Selon des informations recueillies au sein du premier cercle présidentiel, le chef de l’Etat aurait été victime, mi-janvier, d’un léger accident vasculaire cérébral (AVC). Il aurait alors été pris médicalement en charge dans la province du Katanga par des équipes sud-africaines, avant d’être rapatrié à Kinshasa où il suit une convalescence. De quoi expliquer son absence à des rendez-vous ayant, ces dernières semaines, nécessité sa présence, même a minima.
Ainsi, Joseph Kabila n’est pas apparu à l’occasion de la visite, fin janvier à Kinshasa, d’Hervé Ladsous, le secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des opérations de maintien de la paix (OMP). Fait rare dans l’histoire diplomatique du Congo-K depuis la période de Mobutu Sese Seko, la cérémonie des vœux au corps diplomatique, organisée chaque année en janvier, ne s’est toujours pas tenue. Preuve d’un réel problème au palais présidentiel, Joseph Kabila n’a été vu que quelques minutes, le 13 février, à la cérémonie de deuil de son bras droit, Augustin Katumba Mwanke, décédé la veille dans un crash aérien à Bukavu.
Par ailleurs, les membres des corps constitués (ministres, ambassadeurs…) élus députés aux législatives de novembre n’ont toujours pas quitté leur poste, alors que la loi interdit le cumul entre des fonctions ministérielle et parlementaire. Aucun décret présidentiel n’a été signé en ce sens. Une vacance du pouvoir propulserait l’actuel président du Parlement Kengo wa Dondo, opposant déclaré à Joseph Kabila, qui assurerait l’intérim avant l’organisation de nouvelles élections
Thierry Vircoulon : « On assiste à une régression démocratique » en RDC
(Vincent Duhem – Jeune Afrique – 20/02/2012 )
Directeur de l’International Crisis Group (ICG) pour l’Afrique centrale, Thierry Vircoulon analyse le blocage politique actuel et la faiblesse de l’opposition en République démocratique du Congo (RDC). Tout en déplorant l’escalade du pouvoir dans la répression. Interview.
Jeune Afrique : La rentrée du Parlement congolais a eu lieu jeudi 16 février. Selon certaines sources au sein de l’UDPS, après avoir récemment évoqué l’idée de ne pas siéger, certains députés UDPS ont finalement décidé de valider leur mandat et de suivre une stratégie d’opposition républicaine. Pourquoi un tel revirement ? La stratégie de Tshisekedi est-elle mise en cause ?
Thierry Vircoulon: Je ne pense pas qu’une décision ait été arrêtée, les députés de l’UDPS sont toujours en grande discussion. Selon mes informations, une majorité d’entre eux n’était pas présente à l’Assemblée. Le parti est très divisé entre d’un côté ceux qui aimeraient bien siéger et de l’autre, ceux qui autour d’Étienne Thisekedi sont dans une position de boycott total. La stratégie de l’UDPS n’est pas encore bien définie. À ce stade de la vie politique, Tshisekedi ne va quant à lui pas modifier sa stratégie. La question est de savoir si le pouvoir va le laisser rester à Kinshasa.
Quelles conséquences le choix de l’UDPS aura sur l’opposition, notamment sur l’Union pour la Nation Congolais (UNC) de Vital Kamerhe ?
L’UDPS est le premier parti de l’opposition. S’il ne siège pas, les autres partis seront clairement affaiblis au Parlement. Dans le cas contraire, cela peut créer un fond d’opposition significatif (une centaine de député). L’enjeu est donc de savoir si l’opposition sera parlementaire ou extra-parlementaire. Mais, il serait souhaitable qu’il y ait une opposition parlementaire en RDC.
La majorité présidentielle sort-elle renforcée du scrutin ?
Bien qu’un nombre important de sièges soient contestés, la majorité est clairement définie. À côté du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) de Kabila, se trouve le Parti du peuple pour la paix et la démocratie (PPPD), le Mouvement social pour le renouveau (MSR) de Pierre Lumbi et le Parti lumumbiste unifié (Palu). On connaît donc la configuration de la majorité. Elle sera dominante, voire surdominante si l’UDPS ne siège pas. Dominante au Parlement mais fragile dans la rue, comme le montre la répression de la manifestation de jeudi 16 février.
Ce qui s’est passé le 16 février montre qu’il est maintenant impossible pour l’opposition de manifester à Kinshasa.
En effet, la manifestation de l’Église catholique, interdite par les autorités de Kinshasa, a été violemment réprimée. Vous attendiez-vous à un tel tour de vis de la part du régime de Kabila?
Oui, bien sûr. Ce n’est en rien étonnant. Rappellez-vous dans quelle ambiance sécuritaire tendue se sont déroulés la fin de la campagne et le dépouillement des votes. Ce qui est le plus inquiétant, c’est que l’on assiste à un scénario de régression démocratique caractérisé par un climat de répression et une absence d’opposition. Une répression qui touche les manifestants, mais aussi directement l’opposition : deux membres de l’UDPS ont récemment été arrêtés et détenus arbitrairement par les services de sécurité du régime de Kabila.
Ce qui s’est passé le 16 février montre que la capacité de mobilisation de l’opposition est largement dépassée par les ressources des forces de l’ordre. Il est maintenant impossible pour l’opposition de manifester à Kinshasa.
À l’occasion de la compilation des résultats des législatives, la Ceni a modifié ses équipes et fait état d’un nombre d’irrégularités bien supérieur à ce qui avait été constaté pour la présidentielle. Cela donne-t-il une plus grande crédibilité à son travail, ou cela montre-t-il a contrario l’incohérence des résultats entre les deux scrutins ?
Cela ne lui donne pas une once de crédibilité supplémentaire. L’enjeu des législatives était moins important que celui de la présidentielle. La seule chose que cela montre, c’est que l’opacité du dépouillement des votes de la présidentielle a été la même pour les législatives.
Quel a été le travail des observateurs dépêchés par les États-Unis et l’Union européenne (UE) ?
Nul. Les États-Unis ont bien dépêché des experts électoraux mais ils n’ont pas réussi à trouver un accord avec la Ceni qui a déclaré qu’elle souhaitait que personne ne mette les pieds dans le dépouillement.
La communauté internationale a pris l’option de geler les problèmes au lieu de les régler et est ainsi renvoyée à ses contradictions.
Les États-Unis ont appelé mercredi 15 février à la formation d’un «gouvernement de large union ». Est-ce une option réaliste ?
Non, je ne vois pas comment quelqu’un qui vient d’être élu accepterait de partager le pouvoir. Ce ne sont que des paroles diplomatiques qui révèlent l’embarras de la communauté internationale vis-à-vis d’une élection qu’elle a en partie financé, et dont elle a participé à l’organisation logistique.
La communauté internationale a pris l’option de geler les problèmes au lieu de les régler et est ainsi renvoyée à ses contradictions. Par exemple, lors de l’élection de 2006, la mission électorale de l’Union européenne a rendu un rapport en vue des élections de 2011. Aucune de ces recommandations n’a été mise en œuvre par Kinshasa. Malgré cela, l’UE a quand même financé les scrutins de novembre dernier.
L’ambassadeur américain à Kinshasa, bien que pointant les nombreuses irrégularités constatées, a reconnu Joseph Kabila comme président légitime. Pourquoi les États-Unis se rangent-ils derrière Kabila ?
Les États-Unis sont confrontés aux mêmes contradictions que la communauté internationale. Après avoir appuyé le processus et penché du côté du pouvoir établi, les USA ont reconnu les fraudes constatées par tous lors du vote. Ils sont maintenant gênés. D’où ce double discours.
L’UDPS exclut ses députés qui siègent, lesquels contestent la décision
(AFP – 20 Février 2012)
Le parti de l’opposant Etienne Tshisekedi, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), veut exclure ses députés qui siègeront à l’Assemblée en RD Congo, une décision dont la légitimité est contestée par ces députés, a-t-on appris lundi auprès du parti et d’élus UDPS.
Pour l’UDPS, la nouvelle Assemblée -issue des élections de novembre 2011 et qui compte 41 députés UDPS- est un « forum illégitime », et « toutes les personnes qui y siégeront prétendument en son nom n’engagent pas le parti et en seront exclues », a indiqué Raymond Kahungu, secrétaire général adjoint par intérim du parti, dans une déclaration officielle. Selon lui, Timothée Kombo Nkisi, 75 ans, désigné président du bureau provisoire de l’Assemblée en tant que doyen des nouveaux élus est exclu « ipso facto » de l’UDPS, pour avoir siégé et prononcé un discours jeudi à l’ouverture de la session extraordinaire.
Interrogé par l’AFP, M. Kombo a affirmé qu’il était « toujours dans l’UDPS. (La déclaration du parti) est sans contenu valable et faite par une personne qui n’a pas qualité. Le président Tshisekedi n’a jamais exclu quelqu’un de son parti », a-t-il dit.
Selon la Constitution, « tout député national ou tout sénateur qui quitte délibérément son parti politique durant la législature est réputé renoncer à son mandat parlementaire obtenu dans le cadre dudit parti politique ». Rien n’est indiqué concernant l’exclusion d’un parlementaire par son parti.
Etienne Tshisekedi a qualifié de « nulles » les législatives -couplées à la présidentielle- après avoir dénoncé de nombreuses irrégularités, constatées par des missions d’observation nationales et internationales et l’Eglise catholique congolaise. Il a aussi rejeté la réélection du chef de l’Etat Joseph Kabila est s’est autoproclamé « président élu » de la RDC.
Les partisans de Kabila ont obtenu environ 340 des 500 sièges de l’Assemblée. Plus de 500 recours en contestation ont été déposés à la Cour suprême, qui doit proclamer les résultats définitifs d’ici avril.
Processus électoraux en Afrique Centrale : ça évolue !
(Duverger – Come4News – 21-02-12)
L’Afrique centrale reste jusqu’aujourd’hui le plus mauvais élève de la démocratie sur le continent africain. Du Cameroun au Gabon en passant par le Tchad, la Centrafrique, la Guinée Equatoriale et les deux Congo, on n’a véritablement jamais assisté à un scrutin libre, juste et transparent. Le cas le plus patent est celui de la République Démocratique du Congo où, Joseph Kabila a organisé tout récemment une parodie d’élection, pour légitimer et surtout légaliser son accrochement au pouvoir. Avant ce pays, c’est la Gabon et le Cameroun, qui ont eux aussi connu des scrutins entachés de beaucoup d’irrégularités, qui ont failli plonger ces deux ilots de paix en Afrique centrale dans une situation délicate.
Mais, dans ces deux pays, on note déjà depuis quelques temps de légères avancées. Au Gabon, en prélude aux futures élections locales, le gouvernement a finalement accepté d’introduire des cartes d’électeurs biométriques comportant les photos des électeurs. Pareillement, au Cameroun, les autorités ont eux-aussi céder à la pression de l’opposition, en acceptant de procéder à une refonte totale des listes électorales, en lieu et place de la révision qu’envisageait faire ELECAM, l’organe chargé de l’organisation des élections au Cameroun. Depuis quelques jours, le président d’Elections Cameroon a initié une série de consultations auprès des leaders des différentes formations politiques du pays, pour avoir leurs avis, et éventuellement leurs suggestions, en vue de la bonne marche de l’opération. Si la plupart des opposants camerounais se disent satisfaits de cette mesure, ils poussent un peu plus loin leurs revendications, en exigeant l’instauration comme au Gabon des cartes d’électeurs biométriques, et surtout un toilettage profond du code électoral camerounais qui selon eux est un peu désuet. C’est le cas de Edith Kah Walla, révélation de la dernière présidentielle au Cameroun, qui souhaiterait pour sa part que la majorité électorale passe de 20 ans à 18 ans. Aussi, le Cameroun devrait selon elle adopté le vote sur bulletin unique, pour limiter les fraudes.
« Un vaut mieux que zéro » le dit – on régulièrement. Dans une sous-région où la démocratie est le pire ennemi des pouvoirs en place. De telles avancées, bien que mitigées, méritent d’être saluée à leur juste valeur.
L’UDPS de Tshisekedi au bord de l’explosion ?
(Trésor Kibangula – Jeune Afrique – 20/02/2012)
L’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) a exclu lundi 20 février l’un de ses membres, le doyen des députés Timothée Kombo. Il lui est reproché d’avoir siégé comme président du bureau provisoire de la nouvelle Assemble nationale congolaise. Cette éviction augure-t-elle d’autres, voire de l’explosion prochaine de la formation politique d’Étienne Tshisekedi ?
« Il est inconcevable qu’un membre du parti accepte de siéger dans une institution issue des législatives dont les résultats ont été déclarés nuls par sa propre formation politique». Pour Valentin Mubake, conseiller politique d’Étienne Tshisekedi, le comportement de Timothée Kombo, membre de l’UDPS mais investi nouveau président du bureau provisoire de la nouvelle Assemblée nationale congolaise le 16 février, constitue « un opprobre jeté sur sa formation politique ». Conséquence : le fautif a été exclu du parti lundi. Et l’UDPS ne compte pas s’arrêter là. « Tout député élu sous les couleurs du parti qui validera son mandat sera exclu », prévient Valentin Mubake, lui-même candidat malheureux aux dernières législatives dont les résultats partiels controversés publiés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ont crédité l’UDPS de 42 sièges sur 500.
« Dialogue en interne »
« Ce n’est pas le départ de 42 députés qui ébranlera un parti vieux de 30 ans », prévient Mubake. Un durcissement de ton que « ne comprend pas » José Nzau Vola, membre de l’UDPS et élu député national dans la même circonscription électorale que Timothée Kombo. S’il refuse de commenter la décision d’exclusion qui frappe son « ami », il préconise « le dialogue en interne » pour trouver un compromis. Pour lui, trois clivages se dessinent désormais à l’UDPS. « Un groupe qui soutient qu’il ne faut pas siéger à la nouvelle Assemblée nationale ; un autre qui recommande au parti de permettre aux membres élus de valider leur mandat et non de siéger ; et un autre groupe qui appelle le parti à prendre part à l’hémicycle, explique-t-il. Il faudrait donc parvenir à une voie commune ». Mais les radicaux du parti ne l’entendent pas du tout de cette oreille.
« Dans une assemblée, ce qui compte c’est la loi du nombre »
« Il n’y aura pas de négociation à ce sujet », tranche Valentin Mubake. Entre le parti et l’hémicycle, « il faudra choisir. (…) Nous avons tiré une leçon de la législature précédente. Ayant plus de députés, la majorité actuelle a fait récemment passer, à son avantage, le scrutin présidentiel de deux tours à un tour, rappelle-t-il. Que pouvons-nous changer avec 42 députés là où le Mouvement de libération du Congo (MLC) n’a rien pu faire avec 64 ? » Et de conclure : « Dans une assemblée, ce qui compte c’est la loi du nombre ».
Un avis que ne partage pas son camarade du parti José Nzau Vola. « L’histoire nous rappelle qu’en 1980, c’est avec un groupe de 13 parlementaires que l’UDPS avait écrit une lettre ouverte de plusieurs pages à Mobutu Sese Seko [ancien président de l'ex-Zaïre] pour essayer de bouger les lignes ». L’élu de l’UDPS penche donc vers la participation de sa formation politique à la nouvelle Assemblée. Mais, sa décision de siéger ou non à l’hémicycle ne sera prise qu’« après avoir mûrement réfléchi la question», précise-t-il aussitôt. Une plénière de la nouvelle Assemblée nationale est convoquée vendredi pour valider le mandat de chaque député. Ce sera l’heure de vérité pour l’UDPS.
« S’il persiste dans sa stratégie de la chaise vide, c’est l’ensemble de l’opposition qui en pâtira », souligne le professeur Philippe Biyoya, analyste de la vie politique congolaise. «Dans les circonstances actuelles, ne pas prendre part aux institutions ne profitera pas à l’UDPS, et encore moins au peuple dont on prétend défendre les intérêts. Au contraire, la majorité risque de tout contrôler ». Mais la direction du parti d’Étienne Tshisekedi ne semble pas prête à changer son fusil d’épaule. Du moins pour l’instant.
Dan Gertler, un encombrant ami
(MFC – La Libre – 21/02/12)
L’homme d’affaires a attiré l’attention lors de l’hommage à M. Katumba.
Tous les téléspectateurs avaient remarqué le blanc à la barbe touffue qui s’asseyait, lundi dernier à Kinshasa, non loin de Joseph Kabila lors de la cérémonie d’hommage à Augustin Katumba, le mentor du chef de l’Etat décédé dans un accident d’avion à Bukavu le 12 février (lire « LLB » du 14/2). Ceux qui connaissaient les couloirs des palais de Kinshasa l’avaient facilement identifié : l’homme d’affaires israélien Dan Gertler, associé du défunt, qui avait profité de la toute-puissance de ce dernier au Congo pour mettre la main sur plusieurs sociétés minières du Katanga, acquises sous le prix du marché (voir « LLB » du 24/11).
Selon la lettre d’affaires éditée à Londres « Africa Confidential » du 17 février, un des clients de Dan Gertler pour ces achats, l’entreprise kazakhe ENRC (Eurasian Natural Resources Corp), a fait part aux autorités britanniques de ses préoccupations au sujet de Dan Gertler, indiquant que ce dernier » pourrait avoir obtenu des actifs miniers au Congo-Kinshasa par le crime et la corruption « .
Selon « Africa Confidential », ENRC coopère avec une enquête du Bureau des fraudes graves (Serious Fraud Office) à Londres et a soumis un « Rapport d’activité suspecte » à l’agence britannique pour le crime organisé (Serious Organized Crime Agency) dès le 12 août 2010, faisant part de ses soupçons que » les actifs du groupe Highwind, propriété de Dan Gertler, aient pu être obtenus par corruption ». Selon la lettre d’affaires, cette dénonciation concerne l’achat de Kolwezi Tailings, une concession dont Highwind avait acheté 70 % des parts au gouvernement congolais pour 60 millions de dollars, soit » à peu près 5 % de sa valeur sur le marché » . Ce dont l’entreprise de Dan Gertler International se défend, affirmant avoir payé « la vraie valeur » des actifs miniers acquis.
La concession Kolwezi Tailings avait été saisie par le gouvernement congolais auprès de la minière canadienne First Quantum Minerals, avant d’être cédée à Gertler. L’entreprise canadienne, qui affirmait y avoir déjà consenti 750 millions de dollars d’investissements lorsque Kinshasa lui avait finalement retiré son agrément, avait alors entrepris, en février 2010, des actions légales contre ENRC, Gertler et le gouvernement Kabila, après que l’on eut appris que Kolwezi Tailings avait été cédé à un consortium minier inconnu basé aux îles Vierges britanniques en janvier 2010, consortium qui s’avérera appartenir à Dan Gertler.
Ce n’est qu’après la proclamation de Joseph Kabila comme vainqueur – controversé – de l’élection présidentielle du 28 novembre 2011 « que la compagnie canadienne a accepté un accord de compensation », indique « Africa Confidential », accord « à finaliser le 29 février » et selon lequel ENRC paiera 1,25 milliard à First Quantum pour tous ses actifs miniers au Congo, en échange de l’abandon des poursuites.
La confiscation des concessions de First Quantum par le gouvernement Kabila avait provoqué un retard dans la remise de la dette du Congo, en 2010. La Banque mondiale a confirmé cette mauvaise humeur vis-à-vis de Kinshasa le 9 février dernier, quand son président a affirmé qu’il s’opposait à l’idée de contribuer au budget général du Congo parce que les contrôles démocratiques y sont insuffisants.
Le Fonds monétaire international (FMI), préoccupé par le bradage d’actifs miniers nationaux par les autorités congolaises, a quant à lui suspendu l’an dernier son accord avec Kinshasa, accord dont dépend l’accès du Congo à des financements internationaux. Le député britannique Eric Joyce chiffre à 5,5 milliards de dollars le manque à gagner pour le Congo résultant de ces bradages. A titre de comparaison, le budget annuel du Congo est de 6,7 milliards de dollars, dont environ 4 milliards de fonds propres, le reste venant de la communauté internationale. Les Britanniques manifestent un intérêt croissant pour le Congo, dont ils sont devenus le principal donateur bilatéral avec la Belgique.
Reynders ira au Congo
(Marie-France Cros – La Libre 21/02/12)
Le ministre des Affaires étrangères l’a annoncé au Parlement pour la fin mars. Didier Reynders base-t-il sa politique congolaise sur une erreur de traduction ?
Le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders (MR), a annoncé vendredi au Parlement son intention de se rendre au Congo fin mars. Selon la rue des Petits Carmes, le voyage est encore à l’état de projet et les dates de la mission ne sont pas encore confirmées.
A son poste depuis le 6 décembre dernier, M. Reynders avait pris position sur l’ancienne colonie belge onze jours plus tard, regrettant, dans un communiqué, que la Cour suprême du Congo « n’ait pas usé de ses prérogatives pour un examen plus approfondi, critique et indépendant des résultats » officiels de la présidentielle du 28 novembre, qu’elle n’avait pas changé d’un iota malgré l’avalanche de dénonciations d’irrégularités. Le ministre s’était, en conséquence, contenté de » prendre note des résultats définitifs des élections présidentielles » et avait annoncé qu’il n’assisterait pas à la prestation de serment de Joseph Kabila, le 20 décembre. Ce jour-là, seul le président Mugabe du Zimbabwe – lui-même irrégulièrement élu – avait assisté à la cérémonie, malgré les nombreuses invitations lancées par la présidence congolaise.
M. Reynders avait ajouté qu’il envisageait de se rendre au Congo après la mise en place de l’Assemblée nationale » dans des conditions meilleures que pour les élections présidentielles ».
Ce ne fut guère le cas : l’Eglise du Congo a qualifié de « honte » le déroulement du dépouillement des bulletins à la législative (tenue le même jour et dans les mêmes conditions que la présidentielle), tandis que Thierry Vircoulon, directeur pour l’Afrique centrale à l’International Crisis Group, indiquait à « La Libre Belgique » (10 février) qu’ » à l’instar de l’élection présidentielle, ( les résultats officiels NdlR) de l’élection législative semblent relever de la magie électorale plus que de la vérité des urnes » .
Entre-temps, le ministre belge avait indiqué, à plusieurs reprises, que les fraudes massives enregistrées lors des élections congolaises « n’avaient pas changé l’ordre d’arrivée » des candidats à la présidentielle. Cela pouvait surprendre.
En effet, alors que l’écart officiel des voix entre Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi est de trois millions de voix, les fraudes les plus massives atteignent à elles seules ce chiffre: dénonciation, par la société informatique belge qui avait fourni le matériel électoral, Zetes, de l’existence d’un million de doublons (électeurs enregistrés deux fois ou plus) dans seulement quatre provinces où la liste électorale avait été revue par ses soins; projeté à la totalité du pays, ce chiffre devient 3,6 millions de doublons.
Selon les autorités congolaises, 3,3 millions d’électeurs ont voté hors liste électorale (« listes de dérogation « ). En outre, 1,2 million de bulletins de vote a été égaré, essentiellement dans les fiefs de Tshisekedi, Kinshasa et les Kasaï.
Le journaliste indépendant Arnaud Zajtman a peut-être trouvé le fin mot de la surprenante obstination de M. Reynders au sujet de « l’ordre d’arrivée ». Le ministre dit en effet baser sa conviction sur le rapport du Centre Carter. Or, souligne notre confrère, la traduction française de ce rapport omet un mot essentiel, qui change radicalement le sens de la version originale – celle qui fait foi, en anglais. Cette dernière dit, après avoir énuméré les irrégularités du processus électoral : » Cette déclaration ne propose pas que l’arrivée des candidats est nécessaire ment différent de celui annoncé par la Ceni (Commission électorale nationale indépendante). Seulement que le processus d’obtention des résultats n’est pas crédible » (voir « LLB » du 19 décembre). Autrement dit : on ne se prononce pas sur ce point. Mais la version française a mystérieusement fait disparaître le » nécessairement « ; le texte tronqué, du coup, indique – comme M. Reynders – que l’ordre d’arrivée des candidats est inchangé.
A Washington – où l’on a évidemment lu le rapport du Centre Carter en anglais – Johnnie Carson, secrétaire d’Etat adjoint aux Affaires africaines, avait déclaré : « Il est important de noter que nous ne savons pas – et il pourrait être impossible de déterminer avec certitude – si l’ordre final des candidats aurait été différent des résultats. » Hillary Clinton, Secrétaire d’Etat, indiquait quelques jours plus tard : « Il n’est toujours pas clair si les irrégularités étaient à même de modifier l’issue de l’élection » (voir « LLB » du 23 décembre).
3 diplomates congolais reconnaissent la « fraude électorale »
(Christophe RIGAUD – Afrikarabia – 21 02 12 )
Signe du climat pesant qui règne dans la diplomatie congolaise : trois employés de haut rang de l’ambassade de République démocratique du Congo (RDC) à Londres ont dénoncé ouvertement « le climat de terreur » qui règne au sein du gouvernement congolais et les « bourrages d’urnes » lors des dernières élections de novembre dernier. Craignant pour leur sécurité, ils ont dû démissionner de leurs postes et demander l’asile politique à la Grande-Bretagne.
C’est le site internet du Guardian qui révèle l’information. Trois diplomates (premier secrétaire de l’ambassadeur, deuxième secrétaire et secrétaire) de l’ambassade de RDC à Londres ont démissionné de leurs postes et demandé l’asile politique.
Dans une déclaration, citée par le Guardian, les diplomates congolais dénonce le « climat de terreur » que fait régner le gouvernement congolais. Ils accusent ce même gouvernement « d’enlèvements, d’arrestations et des assassinats ». Les trois diplomates ont également affirmé dans leur déclaration qu’il y avait eu « fraude électorale importante et le bourrages des urnes » lors des dernières élections présidentielle et législatives de novembre 2011.
Les trois employés de l’ambassade ont démissionné au début de ce mois de leurs fonctions : « nous avons été accusés par le gouvernement congolais d’avoir pris part à la manifestation de Londres contre le gouvernement en décembre dernier, ce qui n’est pas vrai », affirment-ils. Les diplomates craignant pour leur sécurité ont demandé l’asile à la Grande-Bretagne.
Ces déclarations interviennent dans un climat politique particulièrement tendu à Kinshasa après la réélection contestée de Joseph Kabila. L’opposition affirme que le vote avait été truqué. Les missions d’observations électorales du Centre Carter et de l’Union européenne avaient déclaré que les résultats «manquaient de crédibilité»et Human Rights Watch avait signalé « qu’au moins 24 personnes avaient été tuées par la police » après le vote contesté.
La malédiction du rétroviseur
(Blog de Colette Braeckman – 22/12/12)
Quel gâchis ! Alors que ces deuxièmes élections, présidentielle et législative, étaient censées consolider la démocratie, resserrer la cohésion, stabiliser un pays qui peine à sortir des conflits armés, le résultat est à l’opposé de ce qui était souhaité. En effet, au lendemain de la marche des chrétiens à Kinshasa et de la répression violente dont elle a fait l’objet, force est de constater que les élections ont fragmenté davantage encore la société congolaise, sur des lignes de fracture ethniques (le vote communautaire), religieuses (catholiques d’un côté, protestants et kimbanguistes de l’autre), régionales. D’un côté, le pouvoir se durcit et les forces de l’ordre ne résistent pas à la tentation de la répression, de l’autre, l’opposition dès le début de la campagne, s’efforce de pousser l’adversaire à la faute. Le pays est désormais rongé par la rancœur des vaincus, par la suspicion généralisée, il est indigné par l’arrogance et la dureté de certains des vainqueurs. Même si on n’en parle pas encore, au Kivu, une nouvelle opération militaire contre tous les groupes rebelles se prépare, et des défections au sein de l’armée, avec à leur tête le prestigieux chef « Foca Mike », Albert Kashala, laissent présager une nouvelle rébellion contre des forces armées auxquelles les populations de l’Est reprochent d’être désormais noyautées par les Tutsis congolais, anciens compagnons de Laurent Nkunda et ex membres du CNDP.
Autrement dit, ce pays pudiquement appelé « post conflit » se retrouve une nouvelle fois en crise. Avant de rechercher les moyens de recoudre le tissu social déchiré, il n’est pas inutile de rappeler les causes du désastre électoral. La première, c’est sans doute le coup de force constitutionnel qui a imposé le scrutin à un tour : un deuxième tour de scrutin aurait –enfin- obligé l’opposition à se rassembler, il aurait surtout permis à l’agressivité et à la frustration d’être canalisées sur des voies politiques. Les joutes se seraient déroulées dans les isoloirs au lieu de mobiliser la rue et le resultat final aurait peut-être fini par être accepté.
Une autre cause du désastre est l’hypocrisie et la désertion de la communauté internationale : oubliant que les Congolais ne se faisaient pas confiance entre eux, on a laissé l’arbitrage entre les mains d’institutions ou de personnalités qui allaient de toutes façons être contestées, quoiqu’elles fassent.
Si dès le début, la communauté internationale avait consacré à ces élections plus de fonds, plus d’observateurs, plus de mécanismes de certification, la tricherie aurait été rendue plus difficile, la contestation aurait été plus aisément désamorcée.
La Commission nationale indépendante est aujourd’hui la cible de toutes les critiques et sa démission et exigée, malgré le défi colossal qu’elle a relevé, pratiquement sans assistance étrangère. C’est à la fois injuste et compréhensible : injuste, car la CENI est composée de manière pluraliste, les bonnes volontés y ont été nombreuses et le désordre, certes condamnable, n’est pas pire qu’en 2006, ce qui s’explique avant tout par les difficultés logistiques.
Cependant, malgré le volontarisme, l’énergie et la compétence de l’homme, qui a fait ses preuves ailleurs en Afrique, aux côtés de Desmond Tutu, placer le pasteur Mulunda à la tête de la CENI a été une erreur : trop proche conseiller du chef de l’Etat, comment aurait il pu échapper au reproche de « rouler » pour Kabila ? Et comment ne pas soupçonner la puissante Eglise catholique, qui avait pratiquement piloté et validé les élections de 2006, conduites par l’abbé Malu Malu, de n’avoir rien fait pour épauler un pasteur protestant ?
Les divisions d’aujourd’hui s’expliquent aussi par le fait que hier, à la veille des élections, aucun consensus n’a pu être réuni ni sur le mode opératoire, ni sur le respect des résultats et bien avant le scrutin, un homme comme Tshisekedi a largement fait tourner le moulin de la suspicion tandis que son parti refusait de signer le « code de bonne conduite » arguant du fait que certains de ses membres étaient emprisonnés à la sjuite de manifestations.
Quant aux chrétiens qui sont descendus dans la rue, ils ont voulu commémorer le massacre de 1992 et défier le régime, comme si, en vingt ans, rien n’avait changé. Et cela alors que le Congo, entretemps, a traversé deux guerres, subi le morcèlement du territoire, la ruine et le pillage de son économie. Alors qu’il a aussi amorcé sa démocratisation, entamé le début de la reconstruction, qu’il a diversifié ses relations économiques et qu’il reprend peu à peu la place qui lui revient sur la scène internationale, attendant, l’automne prochain, le sommet de la francophonie.
Ce pays serait-il condamné à vivre une « prophétie autoréalisatrice », où les catholiques croient revivre l’ « union sacrée » de 1992 contre le régime Mobutu et pour la conférence nationale souveraine (qui, présidée par Mgr Monsengwo s’était terminée sur un échec…) et où le régime de Joseph Kabila se voit reprocher les mêmes pratiques que le dictateur d’hier (enrichissement des élites, répression des opposants, tentatives de fraudes et de truquages, contrats opaques…).
Une fois pour toutes, les Congolais ne pourraient ils pas briser le rétroviseur, dépasser les déterminismes et les répétitions de l’histoire, inventer de nouveaux modèles de gouvernance ?
Il faut espérer que la prochaine visite du ministre belge des Affaires étrangères contribue à brancher le Congo sur l’avenir plus que sur le passé, incite l’opposition à choisir la voie parlementaire (où son rôle pourraut être essentiel) et aide le pouvoir à tirer les leçons de la contestation des élections, à entendre le message qui a fusé de partout : il est plus que temps de payer militaires et fonctionnaires, plus que temps de freiner l’enrichissement insolent de quelques uns et d’ouvrir, au bénéfice de tous, le chapitre du social.
DEMOCRATIE EN AFRIQUE: La nécessité d’un second souffle
(Le Pays/Le Faso – 23 02 12)
Dans le concert des nations, bien des Etats ont su trouver des pas de danse dont la chorégraphie est en parfaite harmonie avec la musique en vogue qui rime avec démocratie. Nombre de pays africains peinent encore, après plus d’une vingtaine d’années, à adopter le pas idéal, préférant au rythme démocratique, certes beaucoup plus exigeant mais tout de même plus progressiste, le tango dont l’une des caractéristiques principales est la régression.
Faisant un pas en avant, deux pas en arrière, le mouvement démocratique est en constant recul ou, dans le meilleur des cas, fait du surplace. Les espoirs prématurément étouffés rendent la situation encore plus alarmante et poussent certains à retomber dans l’afro-pessimisme. Le Sénégal et le Mali sont en la matière les deux exemples parfaits d’une désillusion aux conséquences non encore exhaustives mais qui s’annoncent assurément très fâcheuses. Ces deux pays sont le reflet d’une déception inattendue parce qu’intervenant après un admirable succès qui avait fini par faire d’eux des écoles qui recrutaient bien des adeptes.
En plus de celle qui prévaut au Bénin, les démocraties malienne et sénégalaise n’avaient rien à envier à celles des pays anglophones africains dont certaines pâlissaient sûrement de jalousie devant les performances extraordinaires de pays situés dans une région où la boulimie du pouvoir est la chose la mieux partagée. C’est d’ailleurs ce mauvais penchant pour un long règne à dévolution dynastique qui fait que le spectre d’une situation chaotique plane depuis un certain temps sur le pays de la Téranga. Tout semblait pourtant destiner ce pays à un avenir politique radieux. C’est alors que Me Abdoulaye Wade, grand juriste et éminent professeur d’université, opposant de longue date qui connaît la théorie de l’alternance démocratique sur le bout des doigts, décida d’écrire autrement, mais en pire, les pages de l’histoire du Sénégal. La négative métamorphose du président sénégalais traduit l’incapacité de l’homme politique à mettre en pratique ses connaissances théoriques en vue de concorder ses dires et ses faits. L’image de l’intellectuel porteur de changement qu’il a donnée de sa personne en 2000, a été ternie par son incapacité à faire la distinction entre ce qu’il peut ou est en droit de faire et ce qu’il doit faire par décence politique ou morale. A l’opposé de Wade, Amadou Toumani Touré (ATT), chef de l’Etat malien, demeure le patriote et démocrate idéal que le Berceau de l’humanité n’a pas encore pu secréter en nombre suffisant.
Les cordes de son arc n’ont eu de cesse de se multiplier depuis sa sage et responsable renonciation au pouvoir après son coup d’Etat pacifique et salutaire. La transition démocratique qu’il était en passe de réussir sans écueil, devait être le dernier acte qui viendrait consacrer son entrée triomphale au panthéon des grands. Mais une rébellion dont le requiem semblait pourtant avoir été célébré, vint troubler les favorables prévisions météo qui annonçaient pourtant un temps clément pour l’ex-Soudan français. ATT est sans conteste un homme d’honneur, de parole et de paix. Il l’a du reste largement prouvé en privilégiant pendant longtemps la voie pacifique dans le règlement du conflit qui oppose les forces régulières au Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA).
Toutefois, en tant que chef de la nation malienne, et au regard de la diversité des causes de la rébellion dont l’une a trait à la pauvreté de la région d’origine des rebelles, il ne saurait échapper aux critiques. Car, bien que leur marginalisation qu’ils dénoncent ne soit pas une raison suffisante pour prendre les armes et réclamer une partition du pays, les habitants du nord-Mali ont le droit d’exiger de leur gouvernement les ressources nécessaires à leur survie. La guerre qui se passe actuellement au Mali est donc aussi l’une des conséquences de l’échec de la gouvernance de ATT.
Les exemples malien et sénégalais révèlent ainsi la complexité de la gouvernance démocratique qui veut que l’on prenne en compte les aspects socioéconomiques du développement et l’ancrage de l’esprit et de la culture démocratiques. La régularité des scrutins ne suffit pas à garantir l’effectivité, la continuation et la stabilité démocratiques. Et loin d’être définitivement acquise du simple fait de l’existence d’institutions démocratiques, la démocratie africaine, comme celles des autres d’ailleurs, est un processus de longue haleine dont la fragilité, semblable à celle de l’œuf, exige que l’on en prenne constamment soin. Ni le Sénégal, ni le Mali n’avaient probablement imaginé ces scénarios catastrophiques qu’ils sont en train de vivre sans doute avec regret.
Les autres pays, même ceux qui estiment ne pas être très loin du but, doivent se prémunir contre toute surprise désagréable en donnant un coup d’accélérateur à leur démocratie, quel que soit son niveau. Si les Etats africains veulent éviter d’emprunter des chemins à la fois longs et tortueux pour parvenir à un niveau acceptable, ils doivent s’inspirer dès maintenant des bons exemples, se détourner des mauvais et éviter surtout les erreurs déjà commises. Les dirigeants africains doivent marcher dans les pas de certains de leurs prédécesseurs qui furent exemplaires et avoir pour ambition de servir de repères fiables à leurs successeurs.
La vision qu’ils doivent avoir pour l’Afrique doit ressembler à celle suggérée par le président américain Barack Obama, qui consiste à préférer à l’apparition d’hommes forts, l’émergence d’institutions fortes. La démocratie africaine a impérativement besoin de ce second souffle.
Congo: les élections de qui ?
(Marie-France Cros – La Libre – 23/02/2012 )
Le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, a confirmé mardi à New York les informations publiées le même jour par “La Libre Belgique” au sujet de son intention de se rendre à Kinshasa fin mars. Il s’agira, a-t-il précisé à Belga, de “voir comment travailler avec les nouvelles autorités” et “préparer les élections locales et provinciales” après les scrutins présidentiel et législatif frauduleux du 28 novembre, qui, a-t-il pudiquement commenté, “se sont assez mal passés”.
Le ministre belge semblait ignorer les déclarations faites le même jour par le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende.
Selon ce dernier, cité par la radio onusienne Okapi, en effet, “l’organisation des élections provinciales dépend de l’appui financier des partenaires extérieurs”. Le ministre congolais n’a pas hésité à déclarer que “si la République démocratique du Congo a pris le risque d’organiser les élections présidentielle et législative, c’est parce que les partenaires avaient assuré leur soutien financier” mais le gouvernement congolais s’est retrouvé seul à financer ces élections, a-t-il précisé selon Radio Okapi.
Sauf à considérer que 160 millions d’euros ne sont rien, cette affirmation est inexacte puisque c’est le montant du financement des scrutins du 28 novembre fourni par l’Union européenne et ses Etats membres. Au départ, cette somme représentait en gros un tiers du coût prévu des élections mais, en raison des retards accumulés par la Commission électorale congolaise, les dépenses ont gonflé et les suppléments ont été payés par Kinshasa.
Reste que l’affirmation de M. Mende est illustrative de l’état d’esprit qui prévaut à Kinshasa: l’élection importante, c’était la présidentielle, destinée à maintenir “le chef” au pouvoir – dont Washington ignore s’il a ou non réellement été élu (voir LLB 21 fev) – puis, dans une moindre mesure, la législative, pour assurer coûte que coûte (500 recours en annulation) une majorité à Joseph Kabila. Les autres scrutins, décidément, Kinshasa s’en bat l’œil, voire préfère qu’ils n’aient pas lieu vu la propension des électeurs à sanctionner le pouvoir; M. Mende ne parle-t-il pas, d’ailleurs, du “risque” d’organiser les élections?
Bien gênant pour M. Reynders, qui évite de prendre une position claire sur les scrutins du 28 novembre en renvoyant aux provinciales. Et pour l’Union européenne, qui s’est beaucoup investie pour la démocratisation.
Tolérance zéro contre les rebelles
(BBC Afrique, 23 02 12)
L’armée de République démocratique du Congo et les casques bleus de la Monusco ont lancé une nouvelle offensive contre les rebelles de l’est du pays après un regain de violence dans cette région depuis les élections de novembre. Une fois de plus, les civils paient le prix de la relance des hostilités avec de nouveaux déplacements de population.
Cela faisait plus d’un an que les forces armées de République démocratique du Congo et les Nations unies n’avaient plus conduit d’opérations militaires conjointes contre les nombreux groupes rebelles toujours actifs dans le Kivu, à l’est du pays.
Mais lors d’une conférence de presse ce mercredi à Kinshasa, le Lt Col Félix Basse, porte-parole militaire de la MONUSCO, a déclaré que les forces congolaises étaient reparties à l’offensive avec le soutien des casques bleus : « Amani Kamilifu est une opération conjointe qui a été lancée par les forces de la Monusco et les FARDC depuis le 16 février 2012 et cette opération fait suite aux massacres que nous avons enregistrés fin décembre et début janvier, particulièrement vers le 4 janvier. Des massacres avaient été perpétrés par les FLDR dans le territoire de Shabunda. »
Le haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés estime que 100 000 personnes ont été chassées de chez elles par les violences depuis les élections du 28 novembre et les tensions politiques qui les ont suivies. Malgré l’arrestation ou la mort de plusieurs de leurs dirigeants, les miliciens hutu rwandais des FDLR demeurent le groupe rebelle le plus fort sur le plan militaire et le plus imposant sur le plan politique dans les Kivus, selon un récent rapport de l’ONU.
Un porte-parole de l’armée congolaise à Goma a confirmé la reprise des offensives conjointes avec les Nations unies, après une année d’interruption consacrée à la réorganisation des unités militaires dans la région et à la sécurisation des élections. Le Lt Col Sylvain Ekenge a expliqué que les soldats envoyés sur les traces des rebelles à plusieurs jours de marche dans la jungle seraient ravitaillés par les hélicoptères de la Monusco tandis que les casques bleus sécuriseraient leurs arrières. Il a ajouté que l’armée avait aussi lancé des opérations supplémentaires sans soutien de l’ONU.
Des ONG et des groupes locaux avaient critiqué ce type d’opérations en 2009 et 2010 en raison de leurs conséquences dramatiques pour les civils, mais les dirigeants de la RDC et des Nations unies ont déclaré à plusieurs reprises qu’il n’y avait pas d’autre solution que la force contre les rebelles qui refusent de désarmer.
Le Centre Carter conteste les résultats des scrutins présidentiel et législatifs (AFP/France 24 – 24/02/12)
Les observateurs du Centre Carter dénoncent le « manque de crédibilité » des élections présidentielle et législatives organisées fin 2011 en RD Congo. Les deux scrutins ont été remportés par le président sortant, Joseph Kabila, et son parti.
Les résultats des élections législatives de fin 2011 en République démocratique du Congo (RDC) « manquent de crédibilité, comme pour l’élection présidentielle » remportée par le chef de l’Etat sortant Joseph Kabila, ont estimé vendredi les observateurs internationaux du Centre Carter.
« Le Centre Carter estime que les résultats annoncés (début février par la Commission électorale) des législatives manquent de crédibilité, comme pour l’élection présidentielle du 28 novembre 2011″, écrit l’ONG dans un communiqué.
La compilation des résultats des législatives « a été affectée par les mêmes problèmes de gestion et de désorganisation comme pour » la présidentielle, selon le Centre Carter pour qui les 3.500 résultats de bureaux de vote perdus « à travers le pays ont affecté » les deux scrutins qui se sont déroulés le même jour.
L’ONG a également relevé des « anomalies » en comparant le nombre d’électeurs et de bulletins nuls dans une même circonscription pour les deux scrutins. Par exemple à Walikale (est), il y a eu 28.110 électeurs de plus à la présidentielle par rapport aux législatives. Dans une circonscription de Kinshasa, le taux de bulletins nul a été de 10% pour les législatives mais de 3,6% pour la présidentielle.
Si pour la présidentielle les résultats ont été publiés par bureau de vote, cela n’a pas été le cas pour les législatives, ce qui a « érodé la transparence dans le processus d’annonce des résultats et n’a pas donné la possibilité aux candidats et aux électeurs de vérifier la crédibilité des résultats », est-il ajouté.
« Compte tenu des circonstances et du temps qui s’est écoulé (depuis le vote et l’annonce des résultats), il est difficile et sans doute impossible, à la Commission électorale nationale indépendante (Céni) ou tout autre organe, de reprendre entièrement les résultats dans l’espoir de produire un document plus fidèle de la volonté du peuple », estime le Centre Carter.
« La RDC est confrontée à un dilemme politique. Par définition, des résultats contestés sèment le doute à un grand nombre et peut-être à la majorité du peuple », ajoute l’ONG. La Cour suprême de justice (CSJ) examine actuellement plus de 500 recours en contestation des résultats des législatives et doit proclamer les résultats définitifs d’ici avril.
La présidentielle a été officiellement remportée par le chef de l’Etat sortant Joseph Kabila, mais l’opposant Etienne Tshisekedi, classé deuxième, a rejeté les résultats et s’est autoproclamé « président élu ».
Reynders doit-il se rendre au Congo ?
(Jean-Paul Duchâteau interviewe Armand de Decker, sénateur MR – La Libre 25/02/12 )
« Le régime n’a pas fondamentalement convaincu ces dernières années et il y a dans le chef de certains une déception. »
Est-il opportun que le ministre des Affaires étrangères se rende maintenant au Congo ? Je constate que pour les élections récentes, il y a eu des déclarations catégoriques disant que ces élections ont été truquées. Rien n’est prouvé. Il serait très dangereux que la Belgique déclare que tout était faux, parce que la pression de la rue monterait alors que les choses sont relativement calmes dans la capitale aujourd’hui. L’attitude que nous prenons a une énorme influence notamment dans le pays mais aussi sur les Etats-Unis et le reste de l’Europe. Il faut être prudent ou détenir des preuves évidentes avant de lancer des accusations. Dans ce contexte, il est positif que le ministre des Affaires étrangères se rende maintenant au Congo.
L’Europe et la Belgique doivent-ils continuer à financer le processus électoral au Congo ? C’est nous qui avons exigé qu’il y ait des élections tous les cinq ans. Nous avons organisé les premières élections en démontrant à la communauté internationale qu’il y avait moyen de le faire. Tout le monde doutait que l’on puisse interroger à travers le pays une population suffisamment représentative, et à l’époque, la Belgique a démontré qu’il était possible de faire quelque chose. Nous avons pris la responsabilité, la Belgique avec la communauté internationale, de dire qu’il faut des élections tous les cinq ans. Et la communauté internationale a financé la première expérience avec un montant considérable qui dépassait les 400 millions de dollars. Nous avons aussi beaucoup fait pression pour qu’on respecte des délais et qu’il y ait des élections cinq ans plus tard. J’ai l’impression que ceux qui ont mis en doute la légalité de ces élections, en affirmant qu’elles ont été truquées, ont pris une lourde responsabilité. De toute façon, l’écart est suffisant pour qu’on pense que l’ordre d’arrivée reste valable, même si il y a eu des irrégularités. J’ai aussi parlé avec certains qui sont allés observer les élections. La Chambre et le Sénat ont envoyé des observateurs. Aucun n’est rentré en disant que tout cela était faussé.
Est-ce que la situation des droits de l’homme a évolué positivement au Congo ?
Le régime n’a pas fondamentalement convaincu ces dernières années et il y a dans le chef de certains une déception. Ceci étant dit, je pense que De Gucht a eu, comme ministre des Affaires étrangères, il y a quelques années, une attitude agressive contre le régime Kabila. Alors que jusque-là, la Belgique avait eu une influence réelle sur le président et sur l’ensemble du régime. Cela n’a donc pas été une bonne idée. Nous avons perdu cette position d’influence. Par contre, les Chinois pendant cette époque ont pu mettre en œuvre très vite des projets de développement. Et c’est la Chine qui a plutôt repris l’influence, avec de la part des Chinois un intérêt pour les droits de l’homme qui n’est pas comparable au nôtre. Ce qu’il faut faire au Congo, c’est encourager le monde politique et la population à suivre la meilleure voie.
© CongoForum, le samedi 25 février 2012











25 février 2012
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